vendredi 23 septembre 2016

La transegaule



Je me suis longtemps demandé comment rédiger le récit d'une épreuve de ce genre. Passer
entre 5 et 10 heures sur la route à petite allure n'invite pas forcement à la rédaction de grandes envolées lyriques. Alors j'ai opté pour un CR totalement égocentré (après tout, c'est mon blog, je fais ce que je veux !) , tout en distillant ponctuellement des petits conseils ou remarques .
Je vous entends déjà , tout ce qui se passe sur la Transegaule reste sur la Transegaule. Rien à faire, des choses doivent être sues et personne ne saura me faire taire.

Avant d'entamer quoi que ce soit, je me dois de rappeler le concept : la Transegaule est une course de 1190 kms scindée en 19 étapes de 64 kms de moyenne qui traverse la France de Roscoff à Gruissan. Pour le reste, chers lecteurs c'est par ici ...

 

Dimanche 7 août : 



Après avoir pris la voiture puis le train , puis deux métros, puis encore un train, puis un bus avec 20 kgs sur le dos, me voilà enfin à Roscoff !
La dernière partie du trajet jusqu'au gymnase doit se faire à pied en suivant le balisage clair et efficace mis en place par JB, l'organisateur. Je ne suis pas seul , je suis accompagné par deux allemands Henry et Tom et par Bob Morin.
Nous rejoignons ainsi la salle afin de découvrir ce que va être notre quotidien pendant 20 jours. Un grand espace ouvert, des douches et sanitaires collectifs, une intimité proche du néant. Des fils à linge sont tendus dans tous les sens pour faire sécher les vêtements qu'on vient de laver. Il aura fallu 34 ans pour que je fasse ma première lessive ... tu parles de vacances .
Les calbuts, slips, culottes, strings à paillettes (range ça Giorgios !) flottent au dessus des sacs de couchage  tels des armoiries brodées sur l'oriflamme de tel ou tel chevalier.
Le bivouac s'installe progressivement, l'ambiance est encore fraiche . Je lie de premiers liens avec certains .



Lundi 8 août :

8h : Après avoir passé un mois à Narbonne à subir des nuits suffocantes ou le ventilateur demeure la seule solution pour se rafraîchir, j'ai opté pour un léger drap afin d'assurer ma survie durant ce périple. Or la Bretagne est loin de l'Occitanie et les températures nocturnes ne sont pas aussi clémentes. Ma première nuit dans le gymnase de Roscoff fut fraiche voire froide (en Bretagne, l'été, il doit faire 5°C la nuit ...). A tel point qu'aux aurores, je me retrouve à patienter près d'un arrêt de bus direction le Leclerc sport de Saint Pol de Léon afin d'aller acheter de toute urgence un sac de couchage pouvant supporter des températures hivernales !

Je suis là pour apprendre et l'épreuve n'a pas encore débuté que je suis déjà dans l'erreur . Espérons seulement que cela soit la dernière ...



14h : Non , je n'ai pas peur ! je vais pisser chaque 5 minutes parce que, parce que ... ouais bon ok , je flippe un peu d'accord. Je me connais suffisamment pour savoir ou sont mes points forts et mes faiblesses. Je suis conscient de disposer d'une forme optimale alliée à un physique fragile . Sur ce genre d'aventure, la gestion de son corps représente le point crucial qui fera basculer l'épreuve sur le versant de la réussite ou sur celui , inimaginable , de l'échec.

En attendant, je tourne en rond. Il est vraiment temps que cela commence. Cette semaine de repos a fait de moi un être en état de manque. Je ne peux arrêter de bouger, tel un lion en cage dont la seule volonté est d'être libéré.



16h : Package récupéré ! 2 t shirts manches courtes, 1 manche longue, un sac de sport, un bol nominatif peint à la main aux couleurs bretonnes, 2 dossards et un monceau de paperasses à éplucher quotidiennement pour savoir à quoi s'attendre (ravitos, distance, dénivelé, profil, base de vie, roadbook ...)

Tout le monde est arrivé, le gymnase est bien garni (une centaine de personnes coureurs , bénévoles, accompagnateurs compris). La moitié du contingent est étrangère, les nationalités sont nombreuses : grecque, allemande, taïwanaise, espagnole, hollandaise, algérienne, anglaise, américaine.
Tout compte fait, je découvre que je ne suis pas le seul à faire déjà des conneries. Mon voisin grec , Giorgios s'est aperçu cette nuit que son matelas était percé. Moi qui croyais qu'il ronflait, le bruit devait en fait provenir de l'air qui s'échappait de sa fuite !

17h : A ma gauche un grec et trois Taïwanais, à ma droite 2 allemands et une hollandaise. C'est la jungle, les nations unies de la course à pied. Nous faisons des gestes pour nous comprendre. Avec mon anglais, c'est la galère ...

17h10 : ça y est je suis anglophone ! J'ai échangé 3 mots avec Henry "where is the cat ? The cat is in the kitchen". il m'a souri . Je suis venu pour courir, je vais rentrer bilingue .

19h : Rendez vous au resto pour le repas offert par la mairie de Roscoff. A table, je me retrouve à côté d'un chauve maigrichon prénommé Vincent et en face d'un colosse ancien militaire, Sylvain.
En levant le nez de mon appétissante assiette, mon regard parcours les rangs des autres concurrents. je défie quiconque de deviner leurs capacités physiques exceptionnelles. Pour un regard lambda, nous avons ici un bus de retraités venus découvrir le climat breton et dont les réveils humides doivent causer bien des souffrances arthritiques .
Quant aux moins âgés, ils ne disposent pas forcement d'une corpulence filiforme à la kényane .



21h : Nous rentrons au bercail. Mon douillet, confortable, chaleureux, lit de camp m'attend. C'est un peu raide.  Je tente de m'endormir  mais il n'est que 21 heures ! 34 ans et déjà un avant goût de retraite.
Alors je tourne et retourne .
D'habitude, les gymnases disposent de légères lumières nocturnes vertes permettant d'identifier les sorties de secours . Ici, nous aurons droit toute la nuit à des phares accrochés au plafond. Mes paupières closes, je vois encore une lumière imprégnée l'obscurité de mon repos.  J'ai l'impression de mourir et de voir la fameuse lumière au bout du tunnel ! Alors , emmitouflé dans mon sac de couchage, je m'entoure la tête d'un des t-shirts que je viens de laver (mal, vu qu'il pue encore ...). Je pensais dormir à poil, un jour en Bretagne et je ressemble à une momie ...

Mardi 9 août :

5h : le réveil sonne officiellement . Officieusement, on a déjà eu droit depuis 4h30 à toute une symphonie de sonneries diverses et variées. Et cela sans parler des ronflements, flatulences, réveil pipi ...
A ma collection printemps /été Bretagne : sac de couchage , t-shirt cache lumière, j'ai dû rajouter les boules quies.
Mon avant goût de retraité se confirme. ça fait donc cette impression de se lever à 5h ...
Mais c'est que j'ai choisi de supers vacances !

Direction les chiottes, queue. Faut pas être pressé.
Direction le petit déj, queue. Faut pas être pressé.
Direction rangement de mon sac, pas de queue. Débrouilles toi tout seul . Et merde ...

Mais je suis content , toutes ces bricoles n'altèrent pas l'effervescence qui m'envahit à quelques encablures du départ.

Comme j'ai pu l'expliquer plus haut, je me connais parfaitement. Je sais que je ne peux avaler quoi que ce soit avant un départ sans risquer de m'arrêter rapidement dans un champ de maïs. cela ne dérange en rien Patrick Poivet mais si je pouvais l'éviter , cela m'arrangerait, alors je fais l'impasse sur le petit déj du jour.

Mes affaires rangées, entassées dans mon sac, je me dirige vers le camion afin de les charger . Celles ci seront amenées à notre point d'arrivée Plounevézel ou l'orga les déchargera .

8h30 : Phare de Roscoff, présentation des concurrents. Dans mon entourage, je passe pour un extraterrestre. Ici, je suis un bleu. Je n'ai rien fait, rien démontrer, même pas la traversée d'un petit pays type Luxembourg ou Liechtenstein . Non, pas la peine de chercher, je n'ai pas tenté non plus la traversée d'une principauté .Quoique en seconde, je suis allé visiter le Vatican ...

En plus, je passe pour la grosse chochotte. je vais courir en baskets ! Oui, l'épreuve est tellement simple que plusieurs concurrents vont courir en crocs, en tongs ou en minimalistes . Des allumés ! je ne suis pas tombé qu'au milieu de retraités, je suis tombé dans un camp de givrés ...
J'imagine bien , à un moment , annoncer que moi aussi je vais tenter un truc extraordinaire : à cloche pied, en course arrière ou en homme droit mais mes tentatives préalables le long du port ne m'ont pas laissé de certitudes .

Je vais donc m'en tenir à ce que je fais le mieux : courir.



Ce premier jour est particulier. L'étape de 68 kms est divisée en 2 parties : un prologue non chronométré de 6 kms et le reste de l'étape.

9h30 : le corps fourbu, les mains sur les cuisses, la transpiration abondante, la bouche grande ouverte et des restes de crachat sur mes joues, je jette un coup d'oeil sur mon GPS : 6 kms, 20 minutes. Je leur ai montré qui est le patron. Je constate que David Lebroch la ramène moins. C'est qui le premier leader de la Transegaule 2016 ? hein ,c'est qui ?
On m'annonce finalement que c'est pas moi, le prologue n'étant malheureusement pas chronométré .

17h00 : et hop une étape ! ça ressemble donc à ça . Les questions initiales sur la vitesse de croisière ou la capacité de récupération ne trouveront pas de réponses ce soir, ni demain mais l'important est que l'aventure tant rêvée peut commencer à s'écrire ...
Aujourd’hui, ce fut dur, demain le sera encore , alors que penser de la semaine prochaine ?



En Bretagne, il n'y a pas que des températures nocturnes fraiches. Ce serait trop réducteur. En Bretagne, il y a aussi  des côtes et des descentes. Le plat n'existe pas, ça doit être pour empêcher les autochtones de s'échapper !
Toute l'étape, nous allons enchaîner les toboggans , pas très violents, mais incessants. Le tout dans un carcan de verdure qui me fait dire qu'en Bretagne, il doit pleuvoir de temps en temps ...

Vu notre allure, la distance a été avalé sans trop de difficultés. Cependant, au final, les jambes ont quand même parcouru près de 70 bornes et me le font ressentir par une certaine raideur au niveau des membres inférieurs : La retraitisation se poursuit ! je me levais et je me couchais aussi tôt qu'un vieux, maintenant , j'ai la même démarche.

Pour fluidifier tout ça et favoriser le retour veineux, la nature a créé ma femme . Malheureusement, celle ci dépassait les 25 kgs maximum autorisés et son  mètre 80 ne rentrait pas dans mon sac (même plié, j'ai testé avant de partir ..) . Donc, je m'automasse , ça fait bizarre de se tripoter au milieu d'une centaine d'individu .
Mon huile à l'arnica me rend aussi brillant qu'un haltérophile et certainement aussi glissant qu'une anguille. Je m'applique à ne pas chuter malencontreusement, sous peine de parcourir toute la longueur du gymnase sur mon ventre huilé , façon manchot sur la banquise ...

Mais cela fonctionne et je participe au repas du soir, servi dans le gymnase par un traiteur , frais comme un gardon.
Cette soirée là, les liens continuent à se tisser et c'est paisible que je m'endors sereinement à côté de Fernando , l'espagnol du groupe.
Les amis, tout va bien !




Mercredi 10 août :

5h : réveil . Vu le bruit qui règne toute la nuit, je n'ai aucune difficulté à l'ignorer.
5h01 : allumage de toutes les lumières. Là, je m'avoue vaincu .

L'instant est important, celui ou on pose, pour la première fois , le pied au sol suite à une longue sortie. En dépliant ma carcasse, je suis à l'écoute de la moindre sensation anormale qui pourrait représenter une alerte pour mon aventure. Rien de bizarre, tout à l'air de fonctionner normalement.
Rassuré, je m'attelle à entreprendre tous les rituels d'avant étape : petit déj, toilette succincte, passage aux chiottes, analyse du parcours du jour, check up du camel bag, rangement des affaires. Tout est réglé comme du papier à musique.

Aujourd'hui, j'ai décidé de tester le petit déjeuner. Un coup d’œil sur la table me renseigne sur le menu disponible, que du light : crêpe bretonne pur beurre, pain blanc, salami et j'en passe.
Je suis en pleine expérimentation. Avant de m'attaquer à ces riches aliments, je signe une décharge offrant mon corps à la science en cas de décès dû au cholestérol.
Faut avouer qu'un bon sandwich de salami à 5h du mat, j'avais jamais essayé. C'est bon.
Mais pour être vraiment sûr, j'ai préféré réitérer l'expérience tous les jours. Ben, c'est toujours bon.

Le problème, c'est que je ne suis pas là pour bouffer. Il faut courir aussi de temps en temps sinon nous n'arriverons jamais à Pontivy, terme de la seconde étape (64 kms).
Alors me voilà parti à 6h30 pétante. Le groupe s'étire, au grès des départs plus ou moins prudents. Comme chaque jour Patrick fini dans un champ, comme chaque jour Gégé représente le cut off, l'homme derrière lequel se trouver engendre de gros problèmes.
Je vais bien, surpris d'être aussi souple après les 68 bornes de la veille. Je discute avec Marie, une anglaise francophone adepte des expressions de chez nous. Les kilomètres passent vite et le premier ravito se profile rapidement.



Encore à bouffer ! cool ... Il est 7h30, le happy hour du coureur. Paraît qu'il faut pas faire des mélanges. Des conneries ! Un sandwich de rillettes sur son lit de melon , un morceau de tomate à la fraise tagada, un tuc à la nectarine ... saveurs merveilleuses, nirvana gustatif.
Je me rends compte qu'à force de traîner avec des belges , je m'inscris de plus en plus sur des courses pour faire bombance et moins pour galoper ...
Évidemment, en ma qualité de testeur , d'aventurier du ravito, je me dois de rester quelques secondes, minutes, dizaine de minutes sur place pour vérifier l'accueil, le sourire et l'animation ...
J'offrirai ainsi aux ravitaillements de la Transegaule : 3 étoiles dans mon guide du "ravito futé", 4 étoiles dans celui du  "ravito pour les nuls" et 5 dans le "micheline". Un must.


12h : L'étape touche à sa fin. Un parcours breton : toboggan, verdure et un chouïa de plat (canal de Nantes à Brest). Je serais resté aujourd'hui avec Fab et Will.

 

Comme hier , Fernando Ibarra Carbon nous double à une vitesse incroyable sur la fin . La acceleracion, la ibarranovitch .

 

Pontivy se dessine, une étape de plus ... ou de moins, c'est selon. Un classement dans les 10 premiers nous attend et cela aura une incidence demain. En attendant, les habitudes de l'après midi s'enchaînent.
Parmi ces rituels, un , concerne la bouffe.  Si j'ai déjà abordé le thème du petit déjeuner ou celui du ravito, je n'ai pas encore approché celui du déjeuner.
En effet, il faut savoir qu'à l'heure du midi, le gros du peloton est encore sur les routes à bouffer du bitume . Les arrivées s'échelonnant de 11h30 à 19h . Pour les plus rapides , la question du repas se pose . Contrairement au dîner , pris au resto ou dans le gymnase grâce à un traiteur, rien de consistant n'est prévu pour le déjeuner.



C'est donc ici qu'intervient un des symboles de la Transegaule : le bolino.
L'organisation dispose de tout un stock offert par maggi. Adapté aux végétariens, comme aux autres, ces pâtes déshydratées ont fait le bonheur de tous. C'est simple , bon et cela cale en attendant le repas du soir plus consistant.
C'est tellement bon, que j'en ai acheté à la maison pour les jours ou je dois manger rapidement ...
Outre l'aspect nutritionnel et gustatif, je conseille aux futurs gaulois d'admirer leurs congénères en train de consommer ce met. Galère ! les pâtes sont supers longues et trempent dans une soupe grasse et parfumée. Les possibilités pour avaler ces féculents ne sont pas légions : les aspirer façon Bernard et Bianca , ou les placer dans sa bouche et mettre un coup de dent pour faire tomber ce qui dépasse. Dans un cas comme dans l'autre, le consommateur se retrouve la gueule huileuse , avec un spaghetti collé au travers du visage . Soit en diagonale , si aspiration il y a eu, soit sur le menton en cas de coup de dents !
il n'est donc pas rare de deviner le classement de l'étape du jour grâce à l'état de fraicheur des pâtes sur la figure des concurrents ...

 

David Le Broch arrivait tellement tôt que lorsque nous franchissions la ligne d'arrivée son spaghetti commençait déjà à moisir !

Enfin bref , je crois que je vais aller dormir. Encore à côté de Fernando , si il était grec, je me poserai des questions ...

Jeudi 11 août :

2h : c'est quoi ce bruit ?
2h10 : c'est quoi ce bruit ?
2h20 : c'est quoi ce bruit ?
2h30 : c'est quoi ce bruit ? ...
J'en viens à me demander si il y a pas un con qui s'est perdu dans l'obscurité du gymnase et qui est en train de marcher à l'aveuglette en tâtonnant à droite et à gauche pour retrouver son lit . A bien y réfléchir , ce pourrait être Sylvain.
Mais si c'est Sylvain, il n'est pas perdu. C'est un ancien militaire quand même. Il doit être en alerte vigipirate et fouiller les sacs pour détecter la présence d'objets contondants, d’alcool ou de clopes (surtout pas pour sa consommation perso , ça non ).
Avec tout ça , il est 2h40 du matin et les réveils taïwanais commencent à sonner. Ils ont pas dû capter qu'il y avait un décalage horaire avec leur pays. Les nuits sont douces sur la transegaule. Douces mais courtes . Après enquête, l'objet responsable de tout ce tintamarre est un portable rose. La belle affaire ! Tout le monde scrute les mobiles d'autrui pour lapider le fautif . J'en ai même capté certains s'arrêter mystérieusement sur le parcours dans des boutiques d'opérateur téléphonique afin de changer leur coque d'Iphone et éloigner les soupçons de leur petite personne.

 

Je soupçonne toutefois Vincent d'être le responsable de nos nuits blanches. Le relooking de son portable aux couleurs de la reine des neiges m'a mis la puce à l'oreille. Et à la limite, pourquoi pas ... mais il en a trop fait en rajoutant à la transformation de son mobile une chorégraphie "libérée, délivrée" sur les tables du gymnase pour montrer combien il était fan ! je n'en aurai jamais la confirmation ...

Avec tout ça, c'est l'heure de se lever et d'entamer la routine matinale. Un seul changement : deux départs programmés . Le premier à 6h30 pour le gros du peloton et le second à 7 h pour les 10 premiers de l'étape précédente.
Je dois bien avouer qu'au début, j'étais réticent . Se lever en même temps que les autres mais tourner en rond 30 minutes de plus ne me réjouissait guère.  Pourtant, à l'usage, je dois bien admettre que c'était génial et bien réfléchi.
La raison en est simple : nous croisons constamment du monde et pouvons échanger avec des coureurs que nous ne voyons jamais. Ainsi, je rattrapais  Don Winkley vers le 8ème km et j'enchaînais les camarades jusqu'au terme des 75 kms de l'étape. A chaque rencontre, quelques pas en commun , un bref échange, un encouragement, un regard ou un sourire. Un petit rien qui peut parfois faire beaucoup dans les moments de difficultés.

Le parcours du jour est beaucoup plus roulant que les journées précédentes. J'ai fait toute l'étape seul, finissant frais et content . En voilà 3 ! Pas de douleurs, pas de tiraillements ni d'ampoules, parfait .
En même temps, je me suis entraîné comme un fou, je suis plus léger que jamais et j'ai une botte secrète : le kiné.



Chaque soir, 3 kinés ou assimilés , deux francophones (Vincent et Françoise) et un anglophone (Graham) sont à disposition pour masser les coureurs et détendre les muscles endoloris. Le paradis n'est ce pas ?
Non, loin de là, plutôt le 7ème cercle de l'enfer de Dante !
La première fois , nous approchons avec le sourire, insouciants et inconscients des taré(e)s qui se cachent sous la fonction. A la sortie de la séance, le corps transpirant, tremblant, les larmes coulant sur les joues, les dents serrées, la morve s'échappant des narines et la bave moussant au coin des lèvres, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes.
Et en plus, ceci n'est pas une exagération de ma part !
Ces psychopathes au doigté de fer agissent librement, au milieu du gymnase, à la vue de tous ,sans rideaux pour cacher la déchéance du coureur entre leurs mains. Les pauvres cobayes hurlent , gémissent (pas de plaisir), se tordent de douleurs. De vrais chochottes dont je tairais les noms. Heureusement que de vrais hommes comme moi , résistants arrivent à maîtriser la souffrance.
Honnêtement, tous les matins, je ne redoutais ni l'étape, ni la chaleur mais je craignais ce moment aux alentours de 17 heures ou Vincent allait poser ses griffes sur mes pauvres jambes qui m'avaient si vaillamment servi le jour même. Drôle de récompense . Je me réconfortais toutefois les lendemains en sentant les jambes répondre favorablement  . Il faudra au moins ça pour atteindre Châteaubriand au bout de 67 kms caniculaires .



Vendredi 12 août :

5h : j'ai bien dormi ! Non je déconne ... L'inconvénient avec un lit à armature métallique c'est que les armatures sont métalliques ... je me tourne, pim, le genou cogne un montant transversal. Je me retourne, pim, le genou se fracasse sur le montant opposé. Trop con le mec ...

Comme les jours précédents, deux départs échelonnés sont au rendez vous et comme les jours précédents, je pars avec le second groupe. J'aime toujours autant ce concept , doubler et discuter permet de faire passer le temps plus vite.
C'est d'autant plus le cas lorsqu'on double Ikong Li, un des taïwanais inscrit. Je ne considère pas nos échanges verbaux comme des modèles de débats philosophiques car se limitant à "it's OK ?" ou "good luck" mais j'ai tout de même tenté un "how are you ?" qui a entraîné une réponse incompréhensible et m'a vite fait comprendre que je ne devais pas réitérer l'expérience .



L’intérêt dans une rencontre avec Ikong Li réside dans sa tendance à prendre continuellement des photos . Des photos de tout, des photos de rien et systématiquement des photos des coureurs qui le double. Mais pas le type de cadrage habituel avec un beau paysage derrière pour dire , au retour au pays , "La France , c'est ça !", Non, le bougre , enchaînait les clichés en cachette et utilisait de nombreux subterfuge pour arriver à ses fins. Plusieurs techniques ont été répertoriées mais la meilleure reste la simulation d'une fatigue excessive, plié en deux , mains sur les cuisses et portable tendu entre les jambes pour immortaliser le dépassement d'un concurrent .
Je me suis longtemps demandé pourquoi est ce qu'il cherchait à se cacher . Sans supplément , j'aurai pu taper la pause, marcher sur les mains voire le doubler en roulade avant mais non , cela restera une question sans réponse.



De belles rencontres sont donc venues agrémenter ma journée et il fallait au moins ça pour me faire oublier la première alerte de mon aventure. Dès le départ, j'ai ressenti des douleurs dans le genou que j'ai réussi à  localiser sous la rotule au niveau du tendon rotulien. Celles ci ne me gênaient pas trop sur plat ou en côtes mais m'empêchaient de courir en descente . J'ai tout de suite pensé à une tendinite rotulienne . Afin de lutter contre la douleur et d'immobiliser la rotule pour la soulager, je me suis fait poser un strap bien serré.
Effet immédiat ! fini les sensations désagréables, place à l'accélération !
J'avale cette étape avec une facilité déconcertante, j'enchaîne les kms à une belle allure et je termine tranquillement avec Bob.
La ligne d'arrivée franchie, je me sens bien et mieux encore , fort. Plus les jours avancent, plus je monte en régime. Il me tarde déjà l'étape du lendemain pour tester ces sensations. A froid, mon genou ne me fait pas mal. C'est la première soirée ou je considère réellement que tout va bien.

Au delà de l'aspect sportif, les relations avec autrui se développent. Les liens se nouent, tissent une toile entre chaque membre de cette épopée. Nos colocataires de gymnase deviennent des frères et sœurs d'aventure. A la moindre alerte, des guetteurs viennent avertir le reste de la tribu et nous avons droit à un  défilé de soutien.
J'étais venu pour la traversée de la France et celle ci passe clairement au second plan face à cette chaleur humaine.



Je me suis longtemps moqué de tous ces jeux de téléréalité ou les personnes vivaient en totale autarcie et considéraient les autres concurrents comme des frères , sœurs, amis , pères ou mères au bout de seulement quelques jours. Pourtant, coupé de tout, la situation et l'environnement deviennent de véritables accélérateurs d'émotions .
Autant ai je fait le distingo entre la transegaule et koh lanta , autant certains ont un peu tout mélangé ...
J'ai pu surprendre Will dans un fossé en train de dépecer une charogne percutée par une voiture afin de " nourrir sa tribu ce soir ". Je peux vous dire que lors du dîner, j'y ai regardé à deux fois avant de croquer dans mon morceau de viande.
Tous les matins, Gwen léchait la rosée les feuilles de ronces  pour s'assurer une hydratation optimale. Il a fallu lui expliquer qu'il avait droit de s'arrêter aux ravitos et que ceux ci n'étaient pas seulement réservés à la l'organisation.
Et je ne vous parle même pas de Jean Louis ! Lors des deux premières étapes, on le voyait rechercher quelque chose dans les fossés, les bas côtés ... De temps en temps, il ramassait un morceau de bois, grignotait une écorce pour s'assurer de l'essence de l'arbre , marmonnait dans sa barbe "c'est de l'if ça , parfait !" ou "bah du tilleul , trop fragile". A force de persévérance, il a rassemblé tout le nécessaire pour faire du feu à son arrivée au bivouac ...
Mais le grand vainqueur, avec ses 5h d'avance quotidienne sur tout le monde, j'ai nommé David Lebroch,  a même eu le temps de se sculpter un totem d'immunité !
Vous voyez donc le genre d'individus qui m'a été offert de côtoyer ...



Ce soir à Chateaubriand, aucun repas n'est organisé. Un petit tour au Super U afin d'admirer la goldcard de Sylvain et nous festoierons en petit groupe sur une table de pique nique ; La bière coule à flot, la déshydratation est loin de nous guetter ! Même Fernando, pourtant d'un naturel plutôt sauvage, participe aux festivités . Un agréable moment .

Samedi 13 août :

5 h : j'ai mieux dormi , pour de vrai en plus et j'ai trouvé la solution , plutôt simple en plus ...
Hier soir, j'ai monté mon lit de camp, comme d'habitude.  Comme d'habitude, je m'y suis allongé dessus et comme d'habitude je me suis niqué les genoux. Alors j'ai compris. Je me suis relevé, je me suis retourné et j'ai fait ce que j'aurais du faire depuis longtemps : je me suis acharné sur cette grosse merde à coup de lattes . L'affaire a été vite réglé, aucune souffrance inutile.



Je disais donc, cette nuit , j'ai bien dormi . Le sol d'un gymnase est un peu dur mais mon lit de camp a rencontré quelques problèmes  hier soir. Je me sens en forme pour affronter les 71 kms du jour d'autant qu'aujourd'hui aussi, je vais partir avec le second groupe. Tout s'annonce bien.

Pourtant, dès le départ, je me retrouve en queue de peloton. Mon genou me fait souffrir et je tarde à doubler les autres concurrents .  Je ne m'affole guère en imaginant qu'il suffira de strapper l'articulation au premier ravito pour que cesse cette douleur lancinante.L'espoir fait vivre, la réalité fait souffrir. La solution miracle de la veille a perdu toutes ses vertus et il n'y a bien qu'en côtes ou je n'éprouve aucune gêne. La journée va être longue et je ne sais pourquoi, l'envie de rire m'a complètement déserté ...



Dans mon malheur, je rattrape Will qui doit affronter lui aussi un genou récalcitrant. Notre duo se forme vers le 20 ème km pour ne plus se séparer (ou presque)  jusqu'à l'arrivée. Avoir un compagnon de route rend la progression plus facile, les kms défilent plus vite et la douleur passe au second plan ...
Après, faut il encore hériter du bon "compagnon d'aventure" sinon le risque de pendaison  prend le pas sur n'importe quel bobo articulaire !

 

Cependant, d'autres préfèrent courir seul, dans leur bulle, coupés de tout et de tout le monde. Ces individus sont facilement identifiable à leur besoin de s'arrêter pisser quand on les double. Je me suis d'ailleurs longtemps demandé si je n'avais pas un certain pouvoir diurétique  !

Cahin caha, Notre duo rattrape l'ami Sylvain pour un trio de choc qui va nous faire passer quelques heures grandioses. Autant le dire tout de suite, aucun d'entre nous n'avait l'air super frais et chaque mètre parcouru fut l'occasion de se marrer.

Will s'est épris d'une famille de cervidés en plastique dans une propriété (j'attends la photo si c'est faisable), Sylvain s'enfilait gaviscon sur gaviscon pour éviter de pauser (à nouveau) une galette sur la route .
Les gens nous interpellaient pour nous demander ce que nous faisions ;
 - on traverse la France ! ,
 -ah bon ! et vous venez d'où ?
 -on sait plus
 -et vous allez où ?
 - on sait pas non plus ,
Alors, on se regardait tous les trois, la gueule défaite , incapable de se souvenir de ces petits noms de village qui nous offraient le gîte chaque soir.



En plus de dégueuler à chaque virage, Sylvain a une autre spécialité : les phrases incomplètes . Lors de discussions à cœur ouvert, notre ami commençait à parler pour s'arrêter au bout de 3 mots comme tombé dans une profonde catalepsie. La première fois peut surprendre, après on s'y habitue et on s'amusait à finir les phrases à sa place .
Le cas qui s'est présenté le plus souvent , fut celui ou lui demandait si il fallait remplir ses bidons et avec quoi - " oui merci , vous pouvez mettre "
 Bug, plus de lumière. Et là commençait le jeu :
Will : "du coca"
Moi : "de la menthe"
Will : "de la grenadine"
Moi : "de l'eau"
Will : "de l'eau pétillante"
Cela pouvait durer longtemps, surtout qu'on cherchait toujours un emplacement pour s'assoir ...
Par contre, à la fin nous tombions toujours d'accord pour lui remplir son bidon avec un coteau d'Anjou ou autres spécialités du lieu.
5 mètres après notre décollage du ravito, Sylvain dégueulait à nouveau ...

Nous étions trois, nous étions beaux , nous étions à la limite de la reptation quand notre attention fut happée par une présence quelques dizaines de mètres devant nous . A l'allure , ce devait être Mimi Chevillon. Et tout à coup, celle ci fut rejointe par une copine. Blonde, athlétique, en mini short. Formidable motivation. Les 500 mètres les plus rapides du jour à se faire des films ...
 Dommage que l'organisation n'est pas placée davantage de blonde sur le parcours. David aurait eu plus de difficultés à remporter l'épreuve !

Avec ces conneries, la fin approche rapidement. Le temps de croiser des accompagnateurs taïwanais perdus dans un champ de maïs, le temps de croiser le père de Will en camping car recherchant les taïwanais qu'il venait d'égarer, nous arrivions enfin en vue du village dont on ne se souvenait plus du nom.
Une de plus ! Sportivement la pire, humainement la meilleure .



18h : Parmi les heures à intégrer à la transegaule, 5 h reste l'heure la plus importante. Celle du réveil, d'un départ pour une autre destination, l'heure du sandwich au salami ...
Mais l'heure essentielle, celle qu'il faut retenir absolument sous peine de déshydratation , reste 18h car cet horaire rime avec apéro.
Tous les soirs, les mairies offrent un pot de bienvenue aux valeureux forçats du bitume et tout le monde sait qu'il ne faut pas trop pousser un sportif pour goûter ces formidables spécialités françaises.
Les étrangers sont avides de découvertes. Giorgios en a fait beaucoup. Lui qui ne jurait que par le tobleronne s'est trouvé de quoi accompagner ses sucreries ...

L'heure du coucher approchant, je rejoins mon petit nid douillet. Au début de l'aventure, je ressemblais au bourgeois campeur : drap en soie, lit de camp hight tech, boxer à la coupe saillante, poste radio pour écouter les jeux olympiques ...
Une semaine après , le lit est tout juste bon pour être refilé à un ferrailleur, je dors à même le sol , dans un sac de couchage, la tête enroulée d'un t shirt aux couleurs douteuses et le poste a été abandonné dans une poubelle . Marre d'entendre que des mecs font 28 minutes sur 10 kms alors que moi il me faut 3 jours ...
J'ai conservé le boxer.
Quand on a la classe ...

Dimanche 14 août :

5h : Le bruit ne m'emmerde plus. Me lever tôt , ne me dérange plus non plus. Je suis en paix avec moi même. Ce sentiment me permet de me rendre compte que je dois être en hypoxie cérébrale . Le t shirt trop serré a du étouffer quelques neurones.
 Par contre , je n'ai pas oublié le principal : aujourd'hui , étape courte et traversée de la Loire ! en forçant un peu, il se pourrait que nous soyons arrivés pour midi .

Malheureusement , mon genou n'est pas de cet avis . Je découvre avec peine qu'il ne supporte plus du tout la course , quelque soit le terrain et quelque soit mon envie. La dégradation s'accélère invariablement.
Je savais que je souffrirai et j'étais prêt à ça, j'étais prêt à marcher des heures tant que je pouvais lutter contre les barrières horaires. Alors, je marche. Vite. Et je pleure, beaucoup. Conscient que les choses ne vont pas aller en s'améliorant.
Au bout de 20 bornes, j'ai accepté ma situation. Vincent (le kiné) est resté avec moi pour me soutenir dans ces moments difficiles , merci encore à lui. Mon allure demeure correcte bien au dessus du cut off et les larmes se sont taries. Si il faut en passer par là, passons y.

Je marche, un pied devant l'autre, sans plaisir. Le temps s'étire . J'ai encore envie et j'espère encore un miracle. Je fais un bon bout de chemin avec Will qui n'est pas plus fringant que moi et j'avance. La douleur de son côté, augmente au grès des kms.
Je mettrai 9h pour terminer l'étape. Je la finirai dans le même état que je l'avais entamé . En pleurs.

Je suis en piteux état. A force de soulager mon genou en compensant avec la jambe gauche , j'ai toutes les chaînes musculaires bloquées.
Le strap a fait naître des douleurs dans le creux poplité, j'ai un lancement dans le bas du dos et je ne peux plus plier ma jambe droite.
Je ne ressemble plus à rien. A tel point que Sylvain se propose de me monter mon lit et de préparer un bolino !
Je participe à la soirée commune , conscient que celle ci sera surement la dernière. Je suis d'une nature optimiste mais pas totalement idiot non plus.



Le père de Will nous offrira une tournée de pizza. Autour de la table, Sylvain, Will, Vincent et moi rigolons une dernière fois tous ensemble. Mon sourire , de façade, cache une tristesse infinie ...

Lundi 15 août :

5h : Les lumières s'allument et couché sur le sol, mes yeux fixent le plafond en une prière silencieuse.
 Le moment de vérité .
A peine redressé, la jambe ne se plie pas . Le sommeil réparateur a ses limites et je les ai largement dépassé.
La messe est dite.

6h30 : Nous rejoignons en marchant la ligne de départ et j'ai déjà du mal à suivre les autres coureurs.
Le drapeau s'agite, la meute se lance . Je m'accroche le plus possible, tente quelques foulées et m'arrête,  immobilisé par un coup de poignard dans le genou.
Les copains d'aventure me doublent les uns après les autres. Je peux y arriver, je peux y arriver ... je force mon genou à se plier pour reprendre une démarche normale, la douleur est au delà de ce que je peux supporter . Par défaut , j'opte pour un boitillement qui ne m'amènera ni très loin, ni très vite.

 

Rapidement, Gégé me double. Monsieur Cut off. Devant lui, le paradis, derrière, le purgatoire.
Ce moment reste le plus difficile de ma transegaule. Cet instant ou le général passe devant et ou l'écart se creuse inexorablement . J'ai mal, au cœur et au corps. Je pleure , oui, encore mais j'avance. Je tente même pour la première fois , d'écouter de la musique pour détourner mon attention de ce fichu genou.

Au bout de 2h d'une progression laborieuse, j’atteins les 8 kms , loin des 11 nécessaires pour dépasser les barrière horaires. Mais au delà de cet objectif chiffré , je ne suis même pas sûr d'être capable d'atteindre le premier ravito .

Alors comme un symbole j'aperçois le camping car de la femme de Gégé et je décide de jeter l'éponge. La gorge serrée , je lui annonce ma décision d'arrêter. Moment terrible. Le premier dans ma vie sportive.
Je me pensais sincèrement indestructible, sans aucune présomption. Capable d'endurer n'importe quelle distance . J'en tombe d'autant plus bas.

La suite de la journée fut une succession de moments ou j'ai cherché à en profiter au maximum en accueillant à l'arrivée tous les finishers de l'étape et des moments de détresse intense ou il a fallu dire au revoir aux copains.
Vous excuserez mon manque de détail sur cette période mais 5 semaines après j'ai toujours du mal à y penser sans ressentir une boule dans le ventre.

Ainsi s'achève ma Transegaule.

 

Fin septembre :

j'ai eu beaucoup de temps pour analyser cette expérience.
Je pense ne pas être fait pour ce type de course qui demande une résistance physique extraordinaire. Au delà des performances brutes, la capacité à encaisser jour après jour des longues distances reste l'élément essentiel pour terminer ces épreuves à étapes.
Ma fragilité physique ne m'aura laissé aucune chance. Je ne pense pas être parti trop vite, ni avoir fait de grosses erreurs d'alimentation. J'étais préparé, peut être en ai je trop fait et suis-je arrivé fatigué. Je n'en sais rien.

Physiquement, je ne peux actuellement  faire que de la natation et encore en faisant attention. J'espère pouvoir reprendre la course à pied et le vélo aux alentours de la mi octobre. Tant que la gêne sera encore présente , je ne prendrai aucun risque.
J'espère seulement être capable de m'aligner sur le duathlon infernal de Kasterlee (10/105/35 kms le 20 décembre) . Ce sera une autre histoire, j'espère aussi que ce sera une autre fin .

Remerciements :



Merci à toute l'organisation ( Xavier, Philou , Dédé, Bernard ...) , JB en tête. Toute l'épreuve est prévue pour que le coureur soit dans les meilleures dispositions et qu'il n'ait qu'une chose à penser : courir.

 

Merci à tous les bénévoles des ravitos. Sur une course d'un jour, leur présence est un don du ciel. Sur trois semaines cela tient du miracle !
Merci donc au duo Martine et Michel. Martine, notre infirmière, je ne te remercierai jamais assez pour tout , ton soutien, tes soins ... j'espère qu'un jour je pourrais participer à ta belle épreuve savoyarde .

 

 




 

 Merci aussi au duo Marcel et Marie, vos sourires et surtout vos dictons ont ensoleillés mes journées !
Merci à tous les autres : Kalie et sa famille,  Cathy , lapinou ...
Merci à tous les accompagnateurs qui ont toujours eu un mot pour regonfler notre moral .Tout particulièrement le papa de Will.
Merci à mon kiné perso Vincent pour les soins, les encouragements .
Merci à tout ceux que j'ai oublié et auprès desquels je m'excuse platement.
 Merci aux photographes

 

Et enfin, merci à toute la confrérie des gaulois. Je ne m'attendais pas à autant apprécier leur présence.
Bravo à tous et mention spéciale aux finishers !








mardi 2 août 2016

Transe gaule : le concept

Plutôt que paraphraser le site de l'épreuve, voici l'origine de la transe gaule expliquée par l'organisateur JB lui même :


Un Peu d’Histoire
 
C’est en lisant un reportage sur le TOUR DE FRANCE quelques années après sa création que le promoteur américain C.C. Pyle eut l’idée d’importer le concept de course par étapes aux USA. Il n’oublia pas d’y rajouter la démesure propre à nos cousins d’Amérique : sans bicyclette et à travers tout le continent ! Ainsi naquit en 1928 le Bunion Derby, première traversée des USA en course à pied, de Los Angeles à New York. Cent-quatre-vingt-dix-neuf coureurs, véritables pionniers, se lancèrent à l’assaut de l’Amérique et cinquante-cinq d’entre eux vinrent à bout des 5374 kilomètres reliant le Pacifique à l’Atlantique et découpés en quatre-vingt-quatre étapes. L’Histoire retiendra le nom de Andy Payne qui empocha la substantielle prime de 25.000 dollars attribuée au vainqueur. Une seconde édition du Derby se déroula l’année suivante dans le sens retour, mais cette fois l’organisateur en faillite ne put honorer les primes promises et l’épreuve disparut, vaincue par le crash boursier et la crise économique. Il faudra alors attendre cinquante-six ans pour que deux hommes décident de revivre l’aventure en 1985. La course-‘’duel’’ sera baptisée The Lou Gehrig Race for Life et après plus de 5500 kilomètres foulées dans foulées, l’Américain Marvin Skakerberg l’emporte pour seize petites minutes devant l’Anglais Malcolm Campbell. Sept ans plus tard, en 1992 les Américains Jesse Dale Riley et Michael Kenney annoncent une version modernisée du fameux Derby sous l’appellation de TRANS AMERICA FOOTRACE. Elle sera disputée à quatre reprises jusqu’en 1995, regroupant entre quinze et trente concurrents par édition mais, victime de la défection de son sponsor principal, elle disparaît à son tour… Plus près de nous, au premier jour du XXIe siècle, on change de continent pour la TRANS AUSTRALIA ‘’RACE OF FIRE’’ qui ne vivra qu’une édition tragique entre Perth et Canberra, marquée par le décès d’un coureur pendant l’épreuve. Les années suivantes verront deux éditions de la RUN ACROSS USA (2002 et 2004), nouvelle traversée entre Los Angles et New York et, entre les deux, c’est à son tour l’Europe qui s’y colle en 2003 avec la première TRANS EUROPE FOOTRACE organisée par nos voisins allemands sur plus de 5000 km entre Lisbonne et Moscou. Deux autres TRANS EUROPE auront eu lieu en 2009 sur 4488 km entre le sud de l’Italie et le Cap Nord puis en 2012 sur 4180 km du Danemark jusqu’à Gibraltar. En été 2011, une 10ème traversée des USA a été organisée entre Los Angeles et New York sous la nom de LA-NY Footrace. De 1998 à 2010, ont également été organisées 6 éditions de la DEUSCHLANDLAUF qui traverse l’Allemagne du nord au sud en 17 jours sur 1200 km.
 
De la Manche à la Méditerranée
 
Retour en France. Dans la lignée des monstrueuses épreuves transcontinentales qui font rêver les coureurs du monde entier, dans l’esprit des Pedestrians et de LA GRANDE COURSE DE FLANAGAN, deux amateurs français d’ultramarathon créent en 2001 LA TRANSE GAULE, traversée plus modeste mais néanmoins coast-to-coast (de la mer à la mer) de l’Hexagone, sous forme de course individuelle par étapes. Garantie sans déserts brûlants ni lignes droites infinies, à une moyenne quotidienne d’un marathon et demi. Une balade presque raisonnable, en somme… A peine 1200 kilomètres de course, des bords de la Manche jusqu’aux rives de la Méditerranée, à travers les vertes provinces de Bretagne, des Pays de Loire, de l’Anjou, du Limousin, de l’Auvergne, de Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon, en privilégiant au maximum les routes secondaires à circulation automobile réduite.
Les règles de course de LA TRANSE GAULE sont délibérément aussi simples que de mettre un pied devant l’autre :
– une étape par jour, d’une distance comprise entre 49 et 77 kilomètres
– dix-neuf étapes en dix-neuf jours
– pointages internes quotidien (ne donnant pas lieu à la publication de classement)

 

Des règles qui réservent a priori le challenge à des coureurs d’ultra insatiables et possédant un sérieux background, tout en restant une épreuve raisonnable dans sa durée et à la portée de tout individu armé d’une solide motivation… A l’Homme rien d’impossible mais foi, audace, courage, enthousiasme et maîtrise de soi seront malgré tout des atouts indispensables pour relever le défi et le mener à bien.
L’organisation assurera des ravitaillements positionnés tous les 10 à 15 kilomètres mais les coureurs seront autorisés à se ravitailler par eux-mêmes en route (fontaines, bistrots, épiceries, chez l’habitant). Assistance personnelle autorisée sous certaines conditions. Un road-book détaillé du parcours fourni par l’organisation qui mettra en place le fléchage du parcours et assurera le pointages ainsi que le transport des bagages personnels des coureurs. Un hébergement sommaire (de type gymnase ou salle municipale) sera proposé à chaque étape (prévoir matériel de couchage minimum : duvet, matelas). La majorité des dîners (15/19) seront assurés par l’organisation :  pris au restaurant ou servis au gymnase par un traiteur ; Sur les quelques étapes sans dîner, des repas instantanés BOLINO sont à la disposition des coureurs sur le lieu d’hébergement. Une base de petit-déjeuner sera également assurée chaque matin à 5 heures.

L’Ultramarathon, un état d’esprit
 
LA TRANSE GAULE n’est pas une compétition mais est une course pédestre (du verbe « courir à pied »). Pourtant, plus que simplement participer à une course, prendre part à un ultramarathon itinérant par étapes reste en premier lieu une parenthèse en dehors du quotidien, une expérience personnelle à partager avec ses condisciples qu’on va côtoyer durant des jours et des jours, des nuits et des nuits, avec des bons et des moins bons moments… La volonté des organisateurs est de créer une épreuve où coureurs, bénévoles et suiveurs partageront, trois semaines durant, une véritable « aventure » non galvaudée, en commun et dans le climat de droiture, d’intégrité, de fair-play et de fraternité propre à ce type d’épreuve.


mercredi 13 juillet 2016

100 kms du sry Chinmoy



Ouvrez grands vos yeux et regardez l'horizon . Voyez vous le mouvement frénétique de cette petite tâche rose ?
Ben c'est moi qui court à poil dans Paris trop heureux du résultat obtenu !

De l'analyse de ses courses, on ne retire que du théorique qui nous sert de base et d'expérience pour l'avenir . Mais cela reste du théorique, parfois difficilement transposable à d'autres conditions.

Et puis quelquefois, on se retrouve dans un grand jour . Sûrement le même qui a permis à Moïse de marcher sur l'eau , à Damien de tenir 3 mois sans alcool ou à François de faire preuve d'abstinence pendant 24 heures ...
Ces jours là sont rares et magiques. Ils nous permettent d'atteindre une certaine plénitude et de toucher à la quintessence de ce que nous sommes. Ils nous offrent surtout des performances qui vont au delà de nos espérances.
L'effet pervers , chez moi, réside dans l'idée que je me fais de ces résultats . Je déteste me confronter à un temps que j'estime être ma référence ultime. j’exècre l'idée de faire moins bien et d'être mis face de ma méforme.
Du coup, je m'éclipse et vais tenter de nouvelles expériences pour éviter de me comparer à mon moi même passé.



Depuis mon 2h59 au marathon de Lille en 2012, je n'ai jamais cherché à battre ce temps. Au regard du résultat du jour, j'en suis sûrement capable mais je n'ose franchir le pas.
est ce que l'effet sera le même avec ce 100 kms ? l'avenir me le dira ...

En attendant , je profite et j'analyse ma course, éternel chercheur de la meilleure combinaison possible.

En ce dimanche Parisien , me voilà dans le bois de Vincennes pour participer à la 27ème édition des 100 kms self transcendence organisés par le Sry chinmoy team marathon.
Je viens ici pour tester ma forme et mon endurance 45 jours avant le départ de la Transe gaule. Secrètement, j'espère descendre sous les 9h et battre mon record de Stenweeck (9h20).


Sauf que le début du weekend n'a pas été de tout repos avec une sortie de 15 kms dans le bois de Boulogne (sortie course à pied ... je préfère préciser) ou je me suis longtemps demandé pourquoi les gens du coin accrochaient une écharpe colorée au rétroviseur de leur camionnette ...
Enfin, une après midi familiale consacrée à une virée touristique dans la capitale est venue achever ce sympathique samedi.

De retour dans l'appartement , les jambes bien lourdes, je pense enfin à me pencher sur les principales informations à connaître pour la course : heure de départ, lieu de départ ...
Sauf que je n'arrive pas à me connecter au site de l'épreuve. J'insiste, réitère ma recherche et le résultat reste le même : une magnifique page "erreur " s'affiche sur l'écran de l'ordinateur.
Je cherche les infos ailleurs sur la toile, trouve une adresse qui n'existe ni dans mappy ni dans mon gps et commence à légèrement m'énerver

Personnellement, j'ai une patience limitée fortement restreinte lors d'épisode de fatigue intense. Et là, je viens de marcher toute la journée ... Je dévisage  d'un regard noir l'ordinateur du frérot néo marathonien adepte de suppositoires , j'envisage sérieusement de lui faire faire un magnifique vol plané par la fenêtre.

L'énervement augmente et j'en viens à chercher une sortie longue de substitution faute de savoir ou me rendre le lendemain.

Mais le Captrail est un guerrier (sauf pour les tâches ménagères) et je décide finalement de me lever aux aurores et de me rendre dans le bois de Vincennes, sans coordonnées,  pour tenter de trouver le lieu de départ.



Le lendemain, je n'ai même pas eu le temps d'hésiter. Je tombe rapidement sur une flèche de l'organisation qui m'oriente efficacement vers le centre névralgique de l'épreuve. Inscription, retrait du dossard et on me conseille de m'enduire de citronnelle pour lutter contre les moustiques.
Comme je n'ai pas envie de luire comme François avant un triathlon ou d'avoir cette odeur persistante dans les narines pendant une dizaine d'heures, je préfère m'abstenir .

Un des membres de l'organisation m'expose le topo de la journée : un tour de 1610 m à courir 62 fois avec deux ravitos par tour.
Ce tour se situe dans les bois, sous la fraicheur bienvenue des branches de différentes essences . D'abord légèrement descendant puis légèrement montant, il offre un paysage riche qui permet de ne pas basculer vers une monotonie parfois lassante sur ce genre d'épreuve.




Chaque coureur est suivi par un membre de l'organisation qui surveille son "poulain" à chaque passage sur la ligne d'arrivée. Les bénévoles resteront concentrés toute la course, encourageant sans interruption les concurrents en les appelant par leur prénom. Cette particularité a  pour conséquence de rendre l'épreuve familiale. Au grès des rotations , j'apprends à connaître le petit nom de tout ce beau monde. Au grès des rotations, j'échange quelques mots avec les différents membres de l'épopée du jour.

J'aurai ainsi la chance d'échanger quelques mots avec Stéphane Mathieu, vainqueur de la mil'kil et pas avare de conseils pour ma future Transe Gaule. De même je croiserai Charles "Hercule" Payen, multi finisher de tout ce qui a pu être inventé en course à pied longue distance et qui m'a conseillé pour le couchage ...
merci à eux pour toutes ces infos !

Côté course, je pars tranquillement au rythme que je m'étais imposé (5'24/km). Rapidement, je sens que je suis bien et que j'arrive avec facilité à tenir un 5'10 / km sans que cela ne m'use exagérément. Nous enchaînons les tours, je me retrouve 5ème doublé 3 fois par 2 concurrents qui doivent viser le record du monde du 100 kms.



Progressivement, ces fameux coureurs commencent à baisser pavillon . Imperceptiblement, je ne les vois plus derrière moi, débouler comme des dératés . Nos allures s'équilibrent, se neutralisent à l'approche du 50ème km que je passe en 4h20.

Les sensations sont excellentes. Sans m'en apercevoir et sans vraiment  le décider , mon rythme augmente sensiblement . En l'espace de quelques kms je double tout le monde pour me retrouver en tête vers le 70 ème km.

Sur les 100 kms de Steenwerck, un habitué de ce genre d'épreuve m'avait prévenu qu'un cent bornes ne commence vraiment qu'à partir du km 75 ou se cache , comme d'habitude , le fameux mur .
Aujourd'hui, je franchis cette barrière sans difficultés l'allure augmentant encore .
Je ferai les derniers 42kms en 3h11, et les derniers 50 en 3h46.




Je boucle cette ultime épreuve de préparation à la transe gaule en 8h06. soit 1h14 de moins que mon record précédent.

Il faut avouer que les conditions pour performer étaient réunies : ravito complet à chaque tour (donc pas de sac sur le dos), temps clément ( ni trop chaud, ni trop frais ), perte de poids conséquente et entraînement assidu .

Côté organisation :
- parfaite. Le système de tour ne nécessite pas un grand contingent de bénévoles et permet de contrôler facilement tout ce qui se passe.
- 2 ravitos complets : le premier avec diverses boissons et denrées alimentaires, le second avec de l'eau.
- bénévoles sympas, cadre agréable, boisé permettant de rester à l'abri des rayons abrutissants du soleil.
- peu de coureurs , regrettable tant l'ambiance fut familiale.



Je repars donc de cette étape parisienne avec beaucoup de confiance et de certitude sur mes capacités d'endurance. Reste maintenant à les appliquer sur une course à étapes.
La question qui se pose dorénavant est de savoir quelle stratégie élaborer pour la transe gaule . J'ai ainsi une crainte , c'est d'être aspiré par l'avant de la course et me brûler des ailes en partant trop vite ...

Il va donc falloir faire preuve de retenue et de clairvoyance en se préservant le plus longtemps possible. L'objectif de l'été sera "simplement" de terminer et si possible d'épingler une étape (j'ai ciblé la dernière, celle ou on arrive à la maison !)



Place maintenant à la dernière ligne droite de l'entraînement.
Les amis, tout va bien !

résultats ... ici !



jeudi 16 juin 2016

xterra full Belgique



Là, on parle de lourd. Pas la course au saucisson du fin fond de l'avesnois.
Non, on parle d'une épreuve nationale intégrée à un circuit international qui passe par l'Afrique du Sud, le Brésil, la Malaisie, la Grèce, le Costa Rica ... et Namur.



C'est clairement moins sexy . Pas de perroquets multicolores, ni d'eau turquoise. Pas de beach volleyeuses, ni de travelos avec une plume dans le fion qui dansent la samba.
Rien de tout ça dans le coin. En Belgique, la spécialité locale reste la pluie.
Cette flotte qui tombe sans interruption depuis des jours, qui imprègne les sols imbibés jusqu'à la gueule et recrache une boue aussi collante que glissante. Rien de plus normal, nous sommes en hiver.

 Quoi non ? c'est juste qu'on est en Belgique et que l'été commence le 14 août pour se terminer le 17 août ? Ah d'accord, première nouvelle!

Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas avec cette épreuve que le tourisme va se développer ...
J'ai une petite pensée pour les concurrents Algériens, Brésiliens, Néo Zélandais ... qui ont l'habitude de nager dans ça :



et à qui on a proposé de barboter dans ça:



Quel choc psychologique énorme ont ils du ressentir ? A t on pensé à la souffrance des sportifs de haut niveau ?
Dans ces conditions, rien de plus normal que de vouloir boycotter la partie natation. On a voulu nous faire croire que le courant était trop fort, que la sécurité ne pouvait être assurée ... balivernes et billevesées . Les étrangers voulaient pas chopper la rage du nénuphar , le chikungunya du poisson chat et autres maladies endémiques qui entraînent autant de difformités physiques en Belgique que la consanguinité.

J'étais dépité. Pour un gars comme moi  immunisé contre toutes ces saloperies , et dont la natation est un point fort , cette annulation fut un crève cœur .
Mais pas autant que pour François.

Cet homme n'est ni un nageur particulièrement efficace, ni un adepte des longues séances en piscine. Ce gars a d'ailleurs ses propres motivations pour faire du sport . Ni la perte de poids ( l'individu est aussi sec qu'une fricadelle déshydratée ) ni la compétition, ne le stimulent plus que ça.
Lui , son truc c'est la gent féminine.

Pas de natation = pas de filles en maillot. Il a fallu qu'on s'y mette à 4 pour l'empêcher d'éviscérer les organisateurs.
Alors quand , en plus, on lui a expliqué que le X devant le "terra" n'impliquait pas forcement de se balader à poil, le pauvre homme a fondu en larmes , anéanti.

 

Tant d'efforts pour se forger ce corps de rêve, tant d'heures à s'appliquer de d'huile de foie de morue pour être tout luisant le jour J et c'est un rêve qui se brise .

François est prêt à tout pour partager le quotidien de filles affutées et sexys. Après des années de zumba, de pompom girls et de twirling bâton, il a estimé que le triathlon représentait la discipline qui lui convenait le mieux.
En effet, lors de ce type d'épreuve , les dames sont équipées de tenues hypers moulantes ne cachant rien de leur anatomie. François aime les trifonctions, surtout celles ou le prénom de la demoiselle est écrit sur ses fesses. François ne mate pas, il se cultive en révisant le prénom des athlètes des différents pays.

Faut avouer que le monsieur a une grosse ... mémoire. Après cet xterra , il est capable de vous sortir, de tête, la composition exacte de l'équipe féminine Française, Italienne ...
Mais François est aussi un novateur, une personne qui permet au sport d'avancer. Il est au triathlon ce que Fosbury est au saut en hauteur : un démiurge technique. Aussi a t il proposé à la fédération internationale de rajouter sur la trifonction , au dessus ou en dessous du prénom de l'athlète ( il n'est pas exigeant sur ce point ) son numéro de téléphone.
Oui, François est romantique ...mais même si il est là pour "admirer le paysage" (véridique) , il va falloir quand même se farcir 4kms de trail enchaînés avec 32 kms de VTT et 9 kms de trail.

Sur le papier, les distances ne sont pas impressionnantes. Sur le terrain, ce fut tout autre.
la première partie course à pied (qui a remplacé la natation) affiche un peu plus de 100 m D+. Rien d'insurmontable et cette portion a finalement pour seul but d'étirer le peloton de 650 concurrents.



Les chemins empruntés sont secs et présentent une alternance de single tracks en forêt, de sentiers plus larges , de secteurs pavés, d'escaliers, de bitume et de graviers. Un cocktail sympathique ou la monotonie est exclue. On monte, on descend,  parfois de façon assez abrupte. Peu de pauses dans ce circuit tracé au milieu des remparts de la citadelle dont Vauban est l'architecte.

Au final, ces 4 kms furent trop courts pour créer de réels écarts et permettre d'étirer tout ce monde.
De mon côté, je suis resté engluer dans la masse, au ralenti , incapable de doubler sans prendre certains risques au niveau des appuis. Je sors de cette partie en 172ème position.



La transition effectuée, de façon plutôt correcte, j'enfourche mon VTT pour me lancer à l'assaut de ces 32 kms de VTT et 1200 m D+. Cette portion se compose d'une boucle  de 16kms à parcourir 2 fois. Son profil propose 4 grosses difficultés, enchaînées avec 4 grosses descentes.

Le densité de concurrents sur ces sentiers étroits est énorme. Nous nous retrouvons rapidement cul à cul, dépendant de la qualité technique de notre prédécesseur. Lorsqu'un vttiste met pied à terre, tous ses poursuivants l'imitent de façon plus ou moins contrainte. Les gestes d'humeur entre sportifs se multiplient, les remarques fusent. Certains insistent et forcent les dépassements au grand dam d'autres cyclistes. L'ambiance électrique est accentuée par la nervosité d'une italienne , peu respectueuse d'autrui qui hurle les "please, right , right, please !
"oh cocotte , on est bloqué ! alors à moins de savoir voler , ou que François veuille de transporter sur ses épaules, tu vas te calmer !"



Le plaisir est pour l'instant absent et je passe plus de temps à courir qu'à pédaler . Je grimperai au final 2 côtes sur 8 à vélo sans pour autant perdre beaucoup de temps. Je galope aussi vite que ceux qui restent sur leur bécane.

La première difficulté est monstrueuse : raide , boueuse, entourée de ronces. La descente qui suit n'offre guère de répits. Une "légère" couche de terre humide , ultra glissante , fait chasser la roue arrière de tous les côtés. Je vois des mecs partir en soleil avant, d'autres se ramasser la gueule dans les fourrés et j'y vais d'ailleurs , moi aussi de ma petite chute sur l'épaule, heureusement sans gravité.
Je subis le terrain plus que je ne le dompte.

 

Comme à Jurbise, je me fais régulièrement dépasser et comme lors ce duathlon hivernal, je suis bien conscient d'être un obstacle pour mes poursuivants. Je manque clairement de technique dans les parties délicates , par contre je n'ai aucune appréhension dans les descentes que je dévale à tombeau ouvert.

Les rares moments ou le revêtement le permet, je rattrape du monde. Mais ces instants sont aussi exceptionnels que les poils sur le torse de Damien.

Car François n'est pas mon seul acolyte du jour. Et non, je suis chanceux , j'ai hérité des tics et tacs du team madres.
Que serait Laurel sans Hardy ? Que serait Bonnie sans Clyde ?et que serait François sans Damien ?
Pas grand chose, je le crains.



Notre ami est un sportif récent qui a commencé l'activité physique depuis peu. Cet Xterra est un objectif pour lui. Il a vite intégré les us et coutumes du triathlon : épilation intégrale , tenue moulante et muscles saillants, un peu comme pour les chippendales !

Sa principale motivation reste l'alcool. Le gus court pour pouvoir boire à l'arrivée.
Il a adapté sa préparation en fonction de cette mentalité et a amélioré toutes les techniques connues de développement de la VO2max .
Son secret est en fait très simple : un harnais autour de la poitrine , duquel s'élance une canne à pêche au dessus de sa tête , au bout de laquelle pend un fil hameçonnant une bouteille de bière .
Le concept est simple mais terriblement efficace .En fonction de son objectif qualitatif de séance il pend une marque de bière différente.



Pour travailler l'endurance, une vulgaire Kronenbourg fait l'affaire.
Par contre, pour une grosse sortie à vive allure, rien ne vaut la jonquille dont Damien est si friand !
Et les résultats sont monstrueux !

 

En me traînant sur mon vélo, je jette régulièrement un coup d'oeil vers l'arrière pour voir si un des tics et tacs me rattrape. Pas que ce serait la honte de se faire doubler mais entre un poivrot et un obsédé, je préfère me retrouver devant .



Vers la fin du premier tour, l'inévitable se produit. François , dont la spécialité (hormis la drague) reste le vélo,  me rejoint. On discute, je prends de ses nouvelles , lui donne des conseils. Le pauvre souffre déjà de crampes mais réussi tout de même à me larguer lors d'une portion technique en dévers.

J'enrage, j'essaie de le garder en ligne de mire et je me sors les tripes pour l'avoir toujours en visuel. Malheureusement, je sens que ma roue arrière se dégonfle. Aïe, crevaison lente. Il me reste 10 bornes , que faire ?
J'abandonne la chasse et laisse partir François vers un résultat qui va longtemps m'agacer .

 J'opte finalement pour un regonflage de la chambre à air afin de perdre le moins de temps possible. Les arrêts vont se succéder (4 exactement) et me permettront de limiter la casse.
Le parcours VTT se termine par la descente d'un escalier aux grandes marches. La jante de ma roue crevée tire la gueule à chaque impact et fait résonner un bruit métallique qui n'a rien de rassurant.
Finalement j'en termine enfin avec cet enfer au bout de 2h18 de vélo et un 198 ème temps ...

Je passe en mode guerrier , les baskets aux pieds , je suis prêt à partir comme une flèche pour essayer de rattraper François. Je ne suis pas entamé, voilà des semaines que je travaille mon endurance en vue de traverser la France en courant.
Je commence ma remontée fantastique, doublant les concurrents à la pelle, chaud comme un François face à Paula Radcliffe.
Je double des vieux, des grands , des petits mais pas de François. Mon 24 ème temps en trail ne me remonte même pas le moral lorsque je franchis la ligne d'arrivée.



On va l'entendre le vieux barbu se la raconter pendant des décennies !
Je rejoins la zone d'arrivée pour boire un coup et admirer le sourire étincelant de notre ami . Mais là, personne . Les possibilités sont limitées :
- soit il a fait une syncope face à ce résultat inespéré,
- soit il s'est trouvé une fille et lui explique ses grandes idées pour révolutionner le triathlon.
J'attends donc sa sortie du poste de secours ... ou des buissons environnants mais toujours pas de François . Étrange ...

Sur ces entrefaites,  Damien termine et m'annonce que François est derrière et ne l'a pas doublé de la course . C'est quoi ces conneries ?

Nous patientons , et voyons finalement débouler le François frais comme un gardon qui franchit la ligne d'arrivée dans une forme olympique.
Nous somme suspendus à ses lèvres , en attente de ses premières impressions. Son regard se tourne vers le tableau qui affiche les résultats, puis se pose sur nous. Ces instants sont irrespirable ...
On attend une phrase au moins aussi poétique que le " quand les mouettes suivent le chalutier, c'est qu'elles pensent qu'on va leur jeter des sardines " d'Eric Cantona .
Il ouvre la bouche, la referme, se passe la langue sur ses lèvres un tantinet sèches et déclare : "je vois que Chloé a fini devant Adeline ". Qui sont Chloé et Adeline ? Nous n'en savons rien . Ce mec est trop fort pour nous. Il est capable de faire une course , tout en étant spectateur de la bagarre féminine. Je comprends mieux son obsession pour les trifonctons .

 

 En observant son  GPS, nous nous somme rendus compte qu'il affichait 60 kms là ou il y aurait du avoir 46 bornes. En analysant sa trace GPS , nous nous sommes aperçus qu'il avait multiplié les allers retours entre ces demoiselles pour prendre de leurs nouvelles, les accompagner (en tout bien tout honneur, c'est François quand même ...), les ravitailler ...

L'arrivée de l'ultime membre de l'équipe des tics et tacs sonne le glas du versant sportif de notre journée. Les deux belges se jettent sur le bar, commandent suffisamment de bières pour s'assurer une surhydratation et , toute fatigue envolée , commencent à réfléchir à leur soirée qui s'annonce festive.

Ainsi se termine ce premier Xterra Belgium, dans la joie et la bonne humeur !
Cependant , si vous avez bien suivi, il reste à résoudre l'énigme du François survolté qui m'a doublé en vtt . La réponse , en fait, est très simple . Ce n'était pas lui, j'ai tapé la discute, blagué , traité d'obsédé ... un gars barbu en trifonction noire qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à notre ami mais qui n'était pas lui . Le mec a du me prendre pour un dingue !

Ou alors,- début du générique d'xfiles- la vérité est ailleurs !

Côté organisation :
- les 4 kms de trail n'ont pas suffis à étirer le peloton et la distance de ce préambule était la même que pour le lite ... Peut être aurait il fallu doubler la distance initiale ?

 

- les bidons de ravitaillement distribués ne correspondaient pas à la taille des porte-bidons et se barraient au moindre impact. la forêt était parsemée de bidons perdus .

 

- Pour le prix d'inscription, un tour de tête et une minuscule médaille étaient un peu limite .

 

- L'organisation générale fut nickel : balisage, entrée parc à vélo ...
- arbitres sympas et pédagogues

 

- bénévoles au top
- ravitaillements nombreux

Côté course :
- je termine finalement 127 ème en 3h24min :
172 ème temps sur la première portion de course à pied
198 ème temps sur la portion VTT
24 ème temps sur la seconde partie trail.
l'analyse des résultats est simple et on constate aisément l'embouteillage que nous avons eu à subir sur la course à pied initiale.
- Damien termine 225 ème en 3h43 (225/273/175)
- François termine 292 ème en 3h56 (370/341/187)
- je boucle ce weekend en réalisant 35 kms de course à pied le lendemain matin. sans séquelles physiques.

J'ai encore du mal à évaluer le plaisir que j'ai pris lors de cette épreuve. Trop crispé en VTT , totalement euphorique en trail ...

Ce qui est certain , c'est que je trouve ce type d'épreuve peu traumatisant et relativement "facile" : les distances sont courtes et si on ne joue pas le classement on peut quand même pas mal gérer.
A première vue , mon objectif de réaliser à court terme, un triathlon distance ironman se précise. Reste à trouver le temps de le caser au milieu du calendrier course à pied ...

Prochain gros objectif en sports enchaînés : le winterduathlon Kasterlee en décembre
Prochain objectif course à pied : les 100 kms du Sry chinmoy le 26 juin

résultats ... ici !

mercredi 8 juin 2016

marathon du Mont Saint Michel


 Souvenez vous votre première fois ...
Chez moi ça avait été long, plus long que jamais d'ailleurs. Tellement long que mes muscles en ont gardé des séquelles pendant plusieurs jours.
Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et la force de l'habitude a altéré ma perception de LA distance mythique en course à pied : le marathon.

Cette épreuve ne me fait plus peur. Elle me permet de voyager, de découvrir des lieux , des villes et des spécialités. Elle est devenue un prétexte, là ou elle représentait un défi. Elle est devenue une étape dans ma préparation , là ou elle symbolisait l'objectif d'une année.

Cette banalisation me fait souvent oublier les sentiments et les sensations ressentis lors de cette première fois . Les interrogations sur son entraînement, son ravitaillement ou son allure sont autant de questions qui ne trouveront réponses qu'au bout de ces 42, 195 kms.




Alors , lorsque mon frère et 3 de ses copains envisagent de s'inscrire au marathon du Mont Saint Michel pour réaliser le plus gros défi de leur vie sportive, hors de question que je loupe ça !

Notre aventure débutera par la partie la plus difficile mais aussi la plus importante : la préparation.
C'est à ce moment là qu'une réussite se construit ou qu'un échec se profile. C'est à ce moment là qu'on cherche à engranger des kilomètres pour vaincre au moment opportun le fameux "mur du trentième" .

Nos 4 héros ont vécu cette période différemment :
- Stéphane, le plus expérimenté du groupe, a déjà réalisé un marathon ainsi que quelques trails longs. Il sait à quoi s'attendre et connaît les difficultés auxquelles il va être confronté. Alors il fait profil bas, plutôt serein, il sait qu'il peut le faire.
- Guillaume, 25 ans, lui, ne sait rien. C'est un aventurier. Il a déjà été confronté au mur du 18ème sur semi marathon. Mur dont il est l'inventeur et que l'on a renommé en  hommage : "le mur de Guillaume". Il va devoir réaliser le double de la distance maximale qu'il a déjà couru .
- Thibault , le plus rapide du groupe,  mais victime d'un accident de scooter au milieu de sa préparation. Du coup, il n'a qu'un mois d'entraînement dans les jambes et ne sait pas ce dont il va être capable. Attention, individu sujet aux flatulences et désagréments intestinaux.
- Cédric, mon petit frère, stressé de nature. Préparation chaotique gênée par son TFL, création tardive de semelles ortho mais utilisation de celles ci sur des anciennes chaussures déformées. A tout essayé pour lutter contre la douleur : kiné, ostéo, acupuncture, marabout, danse des indiens, poupée vaudou, sacrifice animal ou course à cloche pied. Lui aussi n'a qu'un mois complet d'entraînement sérieux.

Voilà donc le groupe que j'ai intégré. Vu les bras cassés , on va bien se marrer. Sur le coup, j'ai eu l'impression de vivre un "very bad trip" version course à pied . Et j'étais loin de me douter de la suite des évènements ...

Autre moment important : la dernière semaine avant l'échéance.
Le stress gonfle d'heure en heure.

- Côté entraînement, une dernière séance tranquille en début de semaine puis repos complet. Sûr qu'ils vont arriver frais avec 5 jours entiers de récup !





- Côté alimentation, nous avons affaire à des intellectuels. Recherches intensives , lectures ciblées. Régime dissocié scandinave en option privilégiée .
J-6 à J-4 : aliments hypoglucidiques, hyperprotéiques et hyperlipidiques.
J-3 à J-1 : recharge glycogénique
J'y ai rien compris, eux non plus, pas sûr qu'il l'ait suivi jusqu'au bout.
En tout cas, vu la tronche de la glace qu'ils se sont enfilées la veille à Saint Malo, il n'y a pas à douter que leur batterie glucidique soit rechargée au maximum.

- Côté vestimentaire, il est temps d'enlever les étiquettes des nouveaux t shirts. Guillaume l'aventurier a décidé de tester son matos directement en course. Des frottements ? pour les autres. Des irritations ? pour un mec qui a survécu au "mur du 18ème" rien d'impossible. Un vrai groupe de professionnels.

L'excitation est à son comble . Le moment du retrait du dossard marque vraiment l'entrée dans la compétition. On pénètre dans le village des marques ou chaque stand loue la déesse course à pied.
Les bonhommes sont chauds, prêts à en découdre. L'émulation leur fait même modifier leur sas de départ. 4h15 ? pour les chochottes. 4h ? on est pas là pour trier des lentilles. Ce sera finalement 3h45.
Quelques photos, une analyse aiguë du parcours et des points de ravitaillement, un inventaire des cadeaux reçus et quelques minutes de marche sur les remparts de Saint Malo boucleront cette après midi  . Les embruns iodés respirés à plein poumon resteront comme les derniers moments de calme avant le déferlement de la tempête physique.

Les traits fermés, la pasta party de veille de course ressemble à une veillée funèbre. De petites douleurs se font ressentir, et si j'étais malade ? si j'avais contracté la peste ou le choléra dans ce pays brumeux.
Les échanges autour de la table sont superficiels, on tente de rigoler pour dédramatiser l'évènement. Les plus expérimentés s'amusent à rendre le moment plus solennel, à raconter leurs souvenirs de vieux combattants.
Chacun rejoint finalement sa chambre, laissé seul face à lui même, laissé seul face à ses incertitudes.
Demain, nos 4 camarades ont rendez vous avec leur histoire.

Parfois, une nuit peut paraître courte. On tourne, on se retourne, et si j'avais fait ça, et si j'avais mangé ci, et si , et si .

Trop tard, il faut se réveiller, se lever et entamer les rituels d'avant course.
Chez vous, chez moi comme chez Zizou, les habitudes restent souvent inchangées. "D'abord la chaussette, la gauche , toujours". Mais chez nos compagnons, j'ai découvert une technique insoupçonnée : le suppositoire.
Afin d'éviter les désagréments d'un déjeuner trop tardif ou trop copieux qui pèserait sur l'estomac , pourquoi ne pas s'enfiler une torpille laxative ?
Je ne vais pas commencer à exposer ma science sur l'innervation excessive de l'anus et de sa réponse quasi instantanée à toute pénétration intrusive mais tout de même ... il valait mieux anticiper le passage aux chiottes pour éviter les affluences des grands jours .

Les intestins vides, les 2be3 sont prêts à partir à l'assaut de la bête.
Merde ! on a oublié nos vessies ! petit tour dans un coin pour éliminer les quelques centilitres d'urine.
Leur regard reflète leur état esprit : yeux hagards symbole d'une petite nuit, jambes flageolantes face à l'incertitude du résultat.
Ces quelques minutes avant le départ sont longues. Le stress s'accumule, l'immobilité dans le sas fait monter la pression qui s'envolera dès le franchissement de la ligne de départ.
J-2 minutes. Les sons de cornemuse dressent les poils sur les bras. Des sourires crispés sont collés sur le visage et tentent de faire bonne figure.
Un pas, encore quelques autres et nous rentrons enfin dans le vif du sujet ...

Ma stratégie de suiveur va aujourd'hui être simple : je vais tenter de faire un petit reportage vidéo chaque 5 kms pour sonder le ressenti du boys band et anticiper leur déchéance programmée. Voir les traits qui se tirent, la foulée qui s'écrase, la confiance qui s'effrite et accessoirement encourager , donner quelques conseils et servir de poubelles ...car , contrairement à ce qu'on pourrait croire , je ne suis pas qu'un pourri. J'ai un petit cœur qui bat sous cette carapace de cynisme.



Km 5, 10, et 15. Le refrain reste le même : "trop facile !" L'allure est en deçà des 3h45. Ils sont beaux , ils sont chauds, espérons qu'ils ne le soient pas trop quand même. Je ne cesse de leur répéter de ralentir, si vous êtes bien , c'est que vous êtes trop rapides, vous devez vous faire chier en ce début de course.
Mais non, ça crâne , ça sautille avec des petits bonds à la Aldo Maccione. Je crains à tout moment qu'ils me tapent une petite roulade sur le bord de la route pour me montrer combien l'effort prédit est surfait.
Chantez, chantez , on en reparle dans quelques minutes !

Et effectivement, à l'approche du semi marathon, j'entends les premiers "le genou commence à me faire mal", qui remplacent les "j'ai un peu mal au bide" du début d'épreuve. Pourtant, tout va encore bien. L'allure ne diminue pas , la respiration s'est légèrement accélérée mais rien de bien méchant. Les gaillards sont encore pour quelques kms dans une zone connue.

Km 30 , terra incognita. Le fameux mur les attend. Le sourire disparaît, les dents se serrent.La grenade est dégoupillée. Le groupe explose. Il y en a de tous les côtés.
Les petites blagues du début ne sont qu'un souvenir. Pas un pour me faire quelques entrechats ni pour marcher quelques mètres sur les mains. Je suis déçu, les saltimbanques sont visiblement à la retraite. Par contre, les acteurs du 7ème art sont de sortie : de vrais palmes d'or du film dramatique.
En voilà un qui grimace la face maculée d'un crachat mal éjecté. En voilà un autre qui rampe à quatre pattes pour gagner quelques cms.
C'est vraiment pas beau à voir. D'autant que leur déchéance physique s'accompagne d'un dégoupillage mental . Ils déblatèrent n'importe quoi , du simple "je commence à avoir des crampes" , au plus étrange "je sens que je rentre dans un état second" (véridique), sûrement un effet secondaire du suppositoire ...
Je commence toutefois à m'affoler lorsque arrive le "je sens que j'ai les larmes qui montent" (véridique aussi). Normalement , cet état est sensé se déclencher à l'arrivée, pas 10 kms avant !



A la guerre, seuls les braves restent debout. Rien ne les empêchent de boiter .
Je prends enfin du plaisir à être sur cette course. c'est vrai que jusqu'à là , c'était trop beau, trop facile mais là, tout devient plus intéressant.J'ai l'impression de rentrer dans la peau qui me convient le mieux : le sergent chef formateur de bleus bites.



"Tu marches pas, tu cours ! Il reste plus rien avant d'arriver. La douleur c'est dans la tête"
"mais je peux plus, j'ai des larmes dans les yeux,je dois marcher David"
"pas David, appelle moi chef (ou dieu c'est toi qui vois). Ta mère a du croiser une tortue pour engendrer un mec comme toi !"

Bon là je me suis rendu compte que sa mère c'était la même que la mienne et du coup c'était moins marrant.

Finalement, j'ai consenti à lui octroyer quelques pas de marche tout en lui posant un ultimatum : "Au poteau du recours , feignant" (un brin d'encouragement , ça motive et ça ne coute pas grand chose)



Km 40 , dernier ravito. Le seul que l'on peut se permettre de sauter. On a pas dû le dire à mon frère. Il a oublié qu'il était sur une course et se transforme à vue d’œil en critique gastronomique. C'est la seule explication que j'ai pu trouver quand je l'ai vu bouffer tout ce qui était à sa portée. Les mélanges sont saisissants : tucs et raisins secs, saucissons et bananes, peaux d'oranges et rillettes.
Pas la peine de chercher le nouveau top chef. Il est là.
Un dernier gel coup de fouet par dessus tout ça et c'est reparti comme en 40 !



Le bonhomme a une forme hallucinante pour une fin de marathon . Le fait que nous soyons resté 45 minutes  au ravito n'explique pas tout mais aide à comprendre. Les ultimes hectomètres se font à belle allure. Plus besoin de l'encourager. De toute façon, il n'entendrait rien,  il s'est tellement empiffré au ravito qu'il chie des rillettes par les oreilles.



Un dernier sprint pour doubler son assistant et dire qu'il a fini 2543 ème au lieu de 2544ème (merci) et c'en est terminé de ce fantastique défi en 3h54min.
Les marches qui se présentent à la fin seront délicates à aborder, Cédric préfère se jeter la tête la première plutôt que soutenir le poids de son corps endolori.
Nous retrouvons Guillaume qui a réussi à nous devancer de quelques minutes et qui présente une sérieuse hypothermie . Il est tout blanc, frigorifié et me pique toute mes affaires de rechange (même mes manchons de course plein de transpiration et de morve ).
Stéphane arrivera quelques instants plus tard, déçu de son résultat.
Thibault nous aura foutu une sacrée rouste qui m'incitera à l'avenir à tester son suppositoire .

Les poetics lovers ne sont pas beaux à voir. Cette vidéo décrira mieux la situation que de longs discours.



Quelques jours plus tard il n'y paraîtra plus rien. Quelques jours plus tard, leur vie ne sera plus la même. Car eux, ils l'ont fait. Et vous ?



résultats : ici !
dessins issus du formidable livre / Site : DBDB

Annexes :
-J'ai été surpris par le parcours, assez décevant. Le départ à Cancale est magnifique , l'arrivée sur le promontoire face au Mont Saint Michel, un peu lointain. Entre les deux : de longues lignes droites.
- J'ai encore pu réaliser un bel enchaînement : 33 kms le samedi et 45 le dimanche. Pas de bobos, la préparation pour la transe gaule continue à se dérouler parfaitement.
- Prochain défi, le triathlon xterra à Namur .

- Raid Artois Opale annulé à cause de la météo.