vendredi 1 juin 2018

VTT : La reid




Tout un paradoxe.
Être fier de soit tout en étant humilié.
La performance a cette particularité qu'elle peut être jugée à l'aune de sa petite personne ou à celle plus globale du contexte de l'épreuve.

J'ai toujours été persuadé qu'un mec qui faisait 3 heures sur marathon avait 100 fois plus de mérite que celui qui se contentait de le finir en 6 h.
Mais tu ne peux pas dire ça David ! Le pauvre a souffert deux fois plus longtemps sur le bitume  ...
et mon cul , c'est du poulet ?

C'est comme si un matin, au réveil, je décide de couper les cheveux de toute la famille. Je suis un dingue, je veux devenir coiffeur !
A la fin de l'expérience , comment s'étonner que ma femme  ressemble à Bruce Willis, que je n'arrive plus à distinguer mon chien de ma fille et que mon fils n'ait plus qu'une oreille ?
Je me suis entraîné pourtant ! J'ai utilisé deux fois une tondeuse .
Cela paraît aberrant ? ben c'est pareil pour la course à pied.



S'entraîner tous les jours avant ou après le travail. S'entraîner quelque soit le temps , l'envie ou la fatigue apporte plus de crédit (à mes yeux) que la personne qui se découvre l'idée de faire un marathon sans y être préparé.

Alors, lorsque je réussis une épreuve et que j'arrive à me hisser sur un podium , je regarde s'égrainer le flot des finishers en attendant sagement que les quelques heures avant la remise des récompenses s'écoulent. C'est souvent long et parfois, le dernier concurrent est autant ovationné que le vainqueur. Hallucinant.

J'imagine bien ma femme , mes enfants  et mon chien m'applaudir en me disant : tu sais pas coiffer , on a maintenant tous la gueule de maître yoda, mais on tient à féliciter ta bravoure et ton courage .

Voilà mon postulat de base, celui dans lequel je me morfonds depuis des années. Qui fait rimer performance avec entraînement et résultat limité avec fainéantise sportive. J'avais trop vite oublié les cas particuliers, faisant de la généralisation simpliste une réflexion intellectuelle de ( très ) bas étage.

Un bon coup de pied au cul est souvent nécessaire pour mettre en perspective nos croyances.
et la reid VTT s'en est admirablement chargée.



J'ai toujours présenté certaines facilités en course à pied comme en natation. Sans être le meilleur du monde , ces deux disciplines m'offrent la possibilité de me mêler à la première partie du classement d'une épreuve. J'y ai des réflexes, j'y progresse rapidement et je récupère un niveau correct sans forcer outre mesure.

Le vélo, s'avère différent. Sans que je sache trop pourquoi , mon niveau de base est faible. Ma progression est lente et laborieuse. Je me suis souvent interrogé sur une explication plausible à cet état mais sans obtenir de réponses fermes et définitives. Je m'estime manquer de puissances dans les cuisses et pêcher techniquement (surtout en VTT).

Je fais des efforts , m'entraîne avec sérieux  mais n'obtient pas la progression que je suis en "droit" d'attendre avec un tel degré de travail.

Cette année, une sciatique m'empêche de courir autant que je le souhaiterais. J'en ai donc profité pour affronter de nouveaux défis. Les raids VTT et la natation longue distance en eau libre .
Je vais tout de suite évacuer le second cas (qui aura lieu le 16 juin à Paris et qui sera détaillé ultérieurement) pour m'attarder sur le premier.



Dans ma quête perpétuelles de challenge j'ai opté pour une participation à la reid VTT du côté de Liège en Belgique.
95 kms, 2700m D+. Du costaud et de l'inconnu pour ma courte expérience à deux roues.

Un formidable tracé , balisé sans anicroches et jalonné de 24 côtes plus ou moins longues et raides.
470 bikers au départ.
Je suis tellement sûr de mon coup que je pars ... 470 ème. Ma technique de course est simple : aucune ambition autre que de finir !



Dès le départ, ça va trop vite pour moi. Je ne me fais pas doubler pour autant , vu que je suis déjà dernier. Pas de voiture balai non plus, c'est déjà ça.
Devant moi, les gros , les vieux, les tricycles, les marcheurs vont tous plus vite. Un cauchemar. Je me fais larguer au bout d'un km ! Même le photographe officiel de l'épreuve que l'on croise au début du parcours est déjà en train de ranger son matos pour se placer à un autre endroit du circuit. Oh la loose.

J'essaye de me calmer, de me recentrer et de rentrer dans une bulle afin de tourner mon esprit vers le seul objectif du jour : finir correctement.

Dès les premières pentes , la donne change un peu et je commence enfin à doubler. Pas beaucoup mais les quelques places glanées me font le plus grand bien.
D'ailleurs, je crois que je double plus grâce aux crevaisons adverses qu'à la force des jambes ...

Le parcours est éreintant, mais superbe. Le terrain sec va drôlement faciliter notre journée. Les ravitos (4) sont copieux et me permettent , en m'attardant peu,  de gratter aussi quelques positions.



Dans toutes les situations , il y a toujours un gars profiteur. Celui qui suce les roues pour vous planter dans les 100 derniers mètres, celui qui s'impose alors qu'on ne l'a pas invité ... ben ce gars , aujourd'hui, j'ai l'impression que c'est moi, en attente d'un ravito ou d'un problème mécanique pour pouvoir avancer dans le classement. Appelez moi l'opportuniste !

Plus le temps s'écoule , plus les kms avancent et le dénivelé s'empile. Les 20 derniers kms me font vivre l'enfer. Je n'ai plus rien dans les jambes, le vélo commence à déconner et je me sens en perte nette de lucidité. Une barre dans la nuque (j'ai bien dit la nuque hein) restreint mes mouvements . Je ne peux plus tourner la tête sur les côtés.



A vélo, on ne peut pas tricher ou se voiler la face. Si le tracé est délicat , tu changes ton braquet pour pouvoir surmonter une difficulté passagère. C'est sympa,  cela permet de pouvoir passer partout. Mais quand les jambes sont épuisées, et que tu te rends compte que tu ne peux plus rien changer parce que tu es déjà sur le rapport le plus facile, tu prends obligatoirement conscience  de la panade dans laquelle tu te trouves.

Au début, tu ne veux pas le croire. Tu es persuadé que les disques doivent toucher les plaquettes de frein ou que tu es victime d'une illusion d'optique sur le profil du terrain que tu es en train d'affronter.
Puis , tu prends conscience que ta langue pend, que tes jambes sont raides et que chaque côte te gonfle sérieusement.



Le diagnostique est simple : overdose d'effort.
Prescription : Un tour chez Macdo et dodo.

Les derniers hectomètres me laissent le temps de profiter de mon exploit (car pour moi cela l'est !). Je suis fier , prêt à bomber le torse , à vanter mes mérites lors d'un récit dithyrambiques . Je suis déjà en pleine recherche d'une façon originale de franchir la ligne d'arrivée (peut être à pieds avec le vélo brandi à bout de bras ou en wheeeling ) pour faire exulter la foule qui patiente.

Je dépasse les derniers arbres de la forêt, dernier virage et l'arche se profile. Vide. Posée là, seule . Manque que le buisson sec entraîné par le vent et on était au milieu d'un western ...



Ben merde ? Ils sont ou ?

Humiliation suprême. Tu arrives et tout le monde s'en branle. Pas que je fais ça pour les autres mais un accueil chaleureux pour te sentir vivant, survivant même.
Et rien. Pire, j'arrive en plein podium masculin.
C'est dire la branlée que j'ai reçu. Les podiums c'est toujours le truc chiant que t'attend trois plombes. Personne n'y assiste sauf les concernés tellement que l'attente est longue. Et ben moi aujourd'hui je suis dans la peau du mec que tout le monde regarde en se disant "il aurait pu s'entrainer quand même !"



Comme je ne suis pas maso et que l'humiliation a ses limites , je ne m'arrête pas et rentre directement à la voiture avec un petit sourire style "je l'ai fait en mode ballade "alors que je suis carbo complet .

J'arrive sur le grand parking bondé en me disant que cela ne pouvait être pire et je découvre finalement qu'il ne reste plus qu'une seule voiture garée : la mienne.
Oh le boulet !

Leçon d'humilité, leçon de vie. On a jamais fini d'apprendre.

283ème/470 partants et 359 arrivants.6:38:55



Côté organisation :

RAS, élue organisation de l'année et j'ai vite compris pourquoi.
Tout est nickel.
Le parcours est exigeant et je ne l'imagine même pas humide !
4 ravitos copieux dont le dernier bio.
une paire de chaussettes offerte pour les 1000 premiers inscrits.

Côté perso : 
J'ai repéré sur le calendrier le "Grand Raid Godefroy" en septembre (160 km , 4100 D+). Avant de m'y inscrire, je voulais réaliser un test grandeur nature pour voir. Ben j'ai vu. Je vais encore attendre avant de m'y engager.

Résultats : ici


Prochaine étape : Rando VTT de Leernes







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