En attendant, faudra se servir de ses jambes .
Me voici donc à Steenwerck, ville hôte de ces 100 kms. L'épreuve est constituée de 3 boucles :
- une bleue de 7 kms qui servira de préambule et d'échauffement en nous faisant découvrir la commune,
- une rouge de 15 kms
- une jaune de 16 kms
Les boucles rouge et jaune sont à parcourir 3 fois.
En bref, nous réaliserons un grand 8 de 31 kms avec passage dans la salle de sport à la fin de chaque boucle. Impossible de se tromper, une ligne colorée continue est tracée au sol.
Plusieurs autres choses à savoir :
- Des ravitos tous les cinq kms jalonnent le circuit.
- Deux courses se déroulent en même temps : la version open qui est partie la veille au soir (19H) et qui permet de boucler l'épreuve en 24 h maximum ainsi que la version diurne, à laquelle je participe, et qui laisse seulement 13 h maximum pour terminer ces 100 kms.
La course en elle même n'est rien d'autre qu'un marathon en plus long. L'objectif reste le même : trouver une allure cible et la maintenir du début jusqu'à la fin. Faire preuve de régularité est généralement synonyme de réussite.
Malheureusement, toute cette gestion , déjà difficile sur les 42,195 m se complexifie encore plus avec l'augmentation de la distance. Les ravitaillements , point crucial en course à pied, posent ici quelques soucis. En effet, espacés de 5 kms (soit entre 25 et 30 min de course) ils ne me permettent pas de partir sans sac. J'ai besoin de m'hydrater beaucoup plus souvent avec une boisson que je connais.
Deux possibilités se sont donc offertes à moi :
- soit je dégotte un gentil samaritain qui voudrait bien m'accompagner à vélo,
- soit je prends mon sac, je le remplis de 2 litres de flotte et je fais le tout en autonomie.
Évidemment, j'ai opté pour la première des solutions. Mon compagnon sera Ben , le prof de physique, croisé sur quelques offs bien épicés ( là ou là par exemple).
Sauf que tout ça , c'était sans compter sur son âge avancé ... le pauvre garçon , proche de la quarantaine, a voulu enchaîner un semi marathon à Bordeaux (qu'il dit , je le suppose être parti là bas pour tester quelques cépages avec son frère) puis les 105 kms de l'ultra trans Aubrac (qu'il dit, je le soupçonne de s'être exilé sur ce plateau pour s'empiffrer de fromages) . Bref, le corps de ce grand sportif gourmet n'a pas tenu le choc. Point de cirrhose ou d'indigestion, mais ... une crise d'appendicite. Oh le con ! une crise d'appendicite à 40 piges (ou presque !)
Bien entendu, il a fallut l'hospitaliser. Bien entendu, on lui a interdit de faire du sport. Bien entendu j'en ai eu rien à foutre et bien entendu, je l'ai obligé à m'accompagner. Il est vrai qu'au bout de 5 kms , quand son teint halé a viré au blanc cadavre et quand il fut pris de convulsions , je me suis moins marré. Du coup, pour éviter de quelconques accusations de maltraitances d'accompagnateur vélo , j'ai accéléré le rythme, le laissant , avec son air reposé, sur un doux matelas d'orties au creux d'un fossé accueillant.
ou alors, je viens de raconter que des conneries (après l'appendicite ) et je lui ai souhaité un prompt rétablissement en basculant sur la seconde option : le sac et la flotte.
Les indécis pourront toujours se farcir le parcours pour vérifier les bas côtés.
Retour à la (vraie) course. 6 h , c'est parti. Autant le départ la veille à 19 h a rassemblé un beau peloton (500 personnes) , autant ce matin, le groupe est clairsemé . La cinquantaine de coureurs diurnes entame ce périple au long cours. Les foulées sont encore aériennes pour découvrir Steenwerck et les belles maisons qui s'offrent à nos regards.
Un premier groupe s'échappe rapidement au sein duquel se trouve la première féminine. Je ne cherche pas à m'accrocher. L'objectif du jour est de courir tous les kms en moins de 6 min/km afin de descendre au final sous les 10 heures. Je n'ai aucune autre idée en tête.
Pour moi, cette barrière au 100 kms est emblématique. Autant que les 40 min sur 10kms, autant que les 3h sur marathon et autant que les 200 kms sur 24 h.
Je pars donc tranquillement , calé à 11 km/h. D'abord seul pour apprécier le parcours, je rejoins rapidement un compagnon d'aventure : Bruno. Je pense être devenu un aimant à Bruno ! (cf l'écotrail de Paris).
Nos échanges vont m'occuper pendant de longs kms (30). L'histoire de ce boulanger est sympa. Le bougre a participé l'an dernier et fini en 13h20, hors délai. L'organisation a eu la classe de le laisser finir sans pour autant pouvoir l'homologuer "finisher".
Bruno est donc de retour, prêt à se venger. Et il y arrivera en 11h46. Un grand bravo à lui .
Au bout de 30 kms, Mon rythme est bien en place. A la faveur d'un ravito , je lâche mon compère et entame une course contre la montre. Dans les longues distances, cette introduction kilométrique est longue. Il faut être capable de rester en dedans, de s'économiser alors que les jambes ne demandent qu'à dérouler. La patience est une des principales vertus de l'endurance. La récompense n'est pas immédiate mais se fera ressentir sur la fin, quand, les dents serrées, l'organisme utilisera ces forces économisées jusqu'alors pour maintenir une cadence nécessaire à la performance.
Je commence à remonter du monde. On échange, s'encourage , se remonte le moral au grès de la forme de chacun. Nous croisons de nombreux coureurs partis la veille, essentiellement des marcheurs. Leur démarche est souvent saccadée. Les muscles crispés, ils sont le reflet de ce que nous serons dans quelques heures. L'abnégation et le courage de certains me surprendront durant toute l'épreuve. Leur douleur me permettra de supporter la mienne plus facilement. Des pleurs, des cris, d'autres allongés sur le bord du chemin tentant en vain de soulager leur crispation. Quand les kms s'égrainent, quand les forces s'épuisent, il ne reste que la tête pour se pousser à avancer.
De mon côté, je termine ces deux premières boucles à 11km/h à la 10ème place. Je suis seul depuis le trentième mais cela ne me dérange pas.
Au sol, les kms sont inscrits chaque 5 bornes. Vu que nous faisons toujours les mêmes boucles, nous voyons la marque des 90, 95 ... kms . Je rêve déjà d'y être. Nous ne sommes toutefois même pas à mi course.
Alors je cours, le plus régulier possible. Mes yeux sont focalisés sur la ligne continue peinte au sol. Lorsque celle ci s'arrête ponctuellement, je me sens perdu puis heureux de la retrouver un peu plus loin.
Les difficultés ne sont pas nombreuses. Pas d'énormes côtes, mais des ponts ( 12 au total ) qui permettent de franchir l'autoroute ou la voie du TGV et qui pèsent progressivement dans les jambes.
Le parcours quasi intégralement bitumé reste piégeux. De nombreux trous, de nombreuses portions en devers parsèment le circuit. Nous empruntons des routes de campagne peu entretenues et même un court passage sur chemin .
Enfin, le vent léger s'est fait ressentir lorsque nous l'avions de face. Pas d'énormes rafales, mais tout de même.
Je finis cette seconde boucle (km 69) encore à 11km/h. Je suis passé 6ème. Cette place honorifique sera perdue dès le départ du tour suivant. Daniel Fritzsch et son accompagnateur vélo vont me doubler immédiatement en me donnant quelques précieux conseils. Si seulement j'avais su le palmarès du bonhomme ... intégrale de Riquet 2009, ultra tour du lac Léman, multiples 24 heures , nombreux 100 kms ... un habitué des longues distances. Les conseils sont toujours bons à prendre.
Je commence à fatiguer. L'eau de mon sac s'est considérablement épuisée et je ne pourrais finir avec mes réserves . De toute façon j'ai surtout envie de changer de boisson. Pas que je ne supporte plus la mienne mais j'ai envie d'un autre goût, d'une autre saveur. Je rêve de coca, de banane.
Vu mon avance, je m'autorise un arrêt à chaque ravito pour boire 2 verres de coca, un verre d'eau et manger une banane. C'est calibré, millimétré. Le temps que je perds est regagné dans l'intervalle suivant.
Je ne suis pas au mieux, mais j'avance . Pas très vite mais je maintiens un 5'30/km. Je vais avancer ainsi jusqu'à la fin sans marcher.
Au 80 ème, je commence à être dans le dur. Je remarque au bout d'une ligne droite interminable un spectateur m'observant avec des jumelles. En m'approchant, je reconnais Benoît. Sympa le gars, convalescent mais quand même présent (et il n'y avait pas de bouffe à proximité !) .Cette vision féérique (au 80 ème km on est plus très clair) m'a remonté sensiblement le moral. Quelques paroles, quelques échanges me font le plus grand bien. Un grand merci à lui.
Je le recroiserai plusieurs fois jusqu'à finir l'épreuve à ses côtés.
Le nombre de concurrents s'amenuise sur le circuit . Ma dernière boucle jaune se passera bien. Une poignée de main à chaque bénévole, des remerciements et le décompte ,enfin.
Cela fait 30 bornes que je ne me suis pas fait doubler et autant que je n'ai passé personne. Je suis seul au monde ... avec Benoît. Only you !
Mais toutes les belles choses ont une fin. Et c'est en 9h20 que je termine cette épreuve. Fatigué mais plutôt content . J'obtiens une 7ème place .
Après analyse et recherche sur internet, c'est finalement a peu prêt ce que je vaux actuellement. Après extrapolation cela pourrait correspondre à un temps de 3h10 sur marathon.
Et il ne faut pas oublier le sac avec la flotte et la bouffe qui m'a ralenti, ainsi que l'absence d'accompagnateur vélo qui décharge de pas mal de choses à penser.
Cela me permettra de tenter de battre ce record dans quelques temps !
Le lendemain de la course, les jambes n'ont rien. Pas de courbatures , ni de douleurs particulières. Évidemment, j'ai une fatigue générale mais rien de conséquent.
Par contre , j'ai un genou douloureux et ça , c'est plus chiant ... je ne vais de toute façon pas courir pendant une dizaine de jours, bien glacer et tenter le vélo demain soir pour voir si je peux m'aligner sans risques au raid Paris Roubaix VTT dimanche.
Côté organisation :
- de grandes félicitations à l'organisation ! Non seulement, le circuit est clair. Non seulement les ravitos sont fournis en liquide , en solide, en bénévoles sympathiques. Non seulement, tout le monde est en place pour 24 heures (!) avec le sourire, mais en plus, ils offrent un suivi internet régulier, précis avec un système informatique (sans puce) ou notre progression est actée à chaque passage près de petits cabanons situés sur le parcours.
- Le prix d'inscription est ridiculement bas, avec un t-shirt coton (et oui ça existe encore !) un écusson et un diplôme finisher.
- Le passage par la salle des sports à chaque boucle est un moment sympathique ou l'ambiance est excellente et ou on peut suivre son avancée sur le tableau informatique .
- le parcours en lui même n'est pas difficile mais présente tout de même quelques pièges : trous, devers, ponts, un ou deux chauffards.
- merci à toute l'équipe des 100 kms de Steenwerck pour ces bons moments !
et merci encore à Benoït pour sa présence et ses photos (pas floues !)
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