Je ne sais pas par où commencer. L'année 2012 fut idéale , pas de blessures sérieuses et enfin un entraînement régulier sans douleurs. Quelques podiums, quatre victoires devant des pelotons aussi fournis que des feuillus en automne ...et surtout , un entraînement repensé, moins quantitatif mais plus qualitatif.
Les progrès furent immédiats, il n'y a pas à dire, les fractionnés ça fait vraiment progresser ...
2h59 au marathon en avril, 3h30 au 50 kms en novembre, une ultime épreuve boueuse à Lille et voilà la fin annoncée de la préparation. La forme est là, indéniablement, je la ressens lors de la majorité de mes sorties et c'est en confiance que je rejoins Le Perray en ce samedi après midi. L'objectif immuable de l'origole, c'est d'abord de la terminer ! Si je peux améliorer mes références passées je ne me gênerai bien évidemment pas.
22H30, un léger brouillard givrant voile le paysage, il fait frais mais la pluie comme le vent ne seront pas de la partie. Tant mieux. Le short restera de rigueur . Le briefing traditionnel nous présente les nouveautés : un parcours rallongé de quelques kms, les deux premières boucles parcourues à l'envers et une confirmation d'une organisation qui restera en place chaque 2 ans afin de laisser souffler les membres face à une telle lourdeur administrative.
L'ambiance est tendue, quelques blagues tentent de détendre l'atmosphère, mais rien y fait . Un chien aboie au sein du peloton, même lui hésite à partir !
23 heures, c'est parti pour plusieurs heures de douleurs et de plaisir. Pour ceux qui connaissent un brin le circuit, nous allons commencer et finir la B1 (dites boucle rouge )
par la longue zone dégagée en bord de champs puis de voies rapides . L'absence de vent facilite fortement la progression d'autant que les 10 premiers kms sont extrêmement roulants. La vitesse de course atteint les 12kms/h , pas mal pour l'origole !
Cependant, même en étant parti plus vite que lors des éditions précédentes, la tête de course a eu la même idée que moi amenée par un Vimenay motivé pour accrocher l'épreuve à son palmarès déjà bien fourni. Mais l'origole ne s'offre pas aussi facilement au premier venu ! il faut l'amadouer, la dompter et le yéti belge (j'ai nommé bien évidemment Wouter Hamelink) d'abord second prendra les commandes de la course un peu plus tard pour ne plus jamais les lâcher.
De mon côté, la progression est plutôt aisée, je profite de la qualité lumineuse des frontales concurrentes pour m'aiguiller et libérer mon attention de la charge de la navigation. Je me concentre sur les foulées de mes prédecesseurs, les doublant lorsque cela devient possible et remontant petit à petit la masse des coureurs.
Notre tranquille ballade prend fin avec les premières séances de toboggan. De multiples allers retours pleine pente trop artificiels pour certains , marrants pour d'autres mais fatigant pour tous. Dès ces premiers mètres de D+, je sens que mes jambes sont faciles, je monte à mon rythme sans forcer et je rattrape toujours du monde. je reconnais difficilement le parcours , un tronc pourrissant par ci, une descente sableuse par là me rappellent vaguement quelques souvenirs mais il est incroyable comme un simple changement de sens peut changer la perception que l'on se fait d'un terrain.
Quelques hectomètres de bitume , de répit ou les kms s'égrènent avec beaucoup plus d’entrain et nous replongeons dans la ténébreuse forêt pour aborder l'ultime section de la première boucle. Je continue à doubler des coureurs au corps fatigué par les multiples ascensions que nous venons de subir. Je vais toujours bien, conscient que les choses sérieuses commenceront bien plus tard. Gardes en , gardes en ... mantra que je me répète inlassablement lors des périodes d'euphorie, la route est encore longue.
Je ne le sais pas encore , mais en rentrant au sein du gymnase en 3h04min47s j'occupe la 16ème place. Je pensais honnêtement être mieux placé. Depuis quelques minutes, je réfléchis aux procédures à mettre en place dés l'arrivée au ravito et c'est sur pilote automatique que j'effectue ces rituels rassurants : refaire les lacets, remplir la poche à eau, manger autre chose que du gel, sourire ...et repartir dans l'obscurité glacée. Ne surtout pas s'attarder, le danger n'est pas tapi dans la forêt, mais au milieu de ces locaux chauffés.
Je commence la seconde boucle au train , persuadé que mes souvenirs d'un parcours plat, hyper roulant seront conformes à la réalité du terrain.
Côté dénivelé, je ne me suis pas trompé, les ascensions sont ponctuelles mais laissent cependant des traces par accumulation . Elles restent cependant anecdotiques face à l'omniprésence de la boue. Collante, traîtresse et froide. On est loin du super roulant ...
Mais il faut avouer que les kms passent vite et que la moyenne reste supérieure aux autres boucles. Je prends toujours garde à mon alimentation et à mon hydratation . Mais de ce côté là, pas de souci, une petite pause technique confirme que mon corps répond présent et qu'il n'a pas encore épuisé toutes ses ressources.
Tant mieux, j'ai encore besoin de lui. Notamment pour traverser d'innombrables petits cours d'eau glacé,dont le seul avantage est de nous nettoyer les chaussures . Mes lacets sont durs et gelés, ils ont du mal à rester noués et je dois régulièrement m'arrêter pour les refaire.
Durant cette boucle, je suis surpris de croiser des concurrents parcourant le circuit à l'envers, pas beaucoup, 5 ou 6 mais pendant quelques instants je me suis posé des questions. Heureusement de façon assez égoïste, j'apprends de la bouche du premier bénévole rencontré que l'erreur n'est pas de mon fait. J'oublie les hésitations et j'avance encore et toujours, je double encore et toujours et personne ne s'accroche. Je sens que je suis dans un bon jour ou tout du moins , je l'espère.
Je rentre en 5ème position dans le gymnase, en 5h22min37s avec quelques secondes d'avance sur le 6ème. Pilote automatique enclenché, je rajoute du salé à mon alimentation mais du light :du saucisson ! Puis je ressors regonflé à bloc pour cette ultime tour de piste que je sais ...délicat .
Tout commence pourtant en douceur, quelques kms en ville, sur bitume nous permettent de nous lancer agréablement. Nous, car je me suis extirpé de la salle avec un compagnon d'infortune nommé Ludovic. Je prends d'abord le large avant de me faire rattraper et déposer. Mon allure n'ayant pas diminué, je ne m'inquiète guère, j'en profite pour placer une seconde pause technique puis je repars toujours aussi motivé et relâché.
Aujourd'hui, je sens que peu de choses peuvent enrayer la machine. Tout tourne en ma faveur, des petits détails qui me font penser que je peux aller chercher mieux que cette 6ème place dont je viens d'hériter. Et cela ne loupe pas, dès l'entame du D+ de cette boucle, je sens que je reviens sur mon compagnon et que je le suis facilement. Nous discutons quelques minutes, le parcours défile un peu plus vite que notre moyenne ponctuelle d'escargot.
Finalement, j'arrive à m'échapper et je me retrouve à nouveau seul. J'adore ces moments, personne aux alentours, peu de bruits sauf ceux de la nature et de ma foulée et tout le temps du monde pour penser.
L'esprit ressent les douleurs mais passe outre, l'enchaînement infini de grosses côtes est épuisant. Celles ci nous font passer par des endroits impossible, enjamber des pierres ou des troncs .Les cuisses sont dures, gorgées de sang et les descentes qui suivent ne permettent guère le relâchement .
Mais il faut recommencer, encore une fois , en espérant que la suivante sera la dernière, mais la quille ne se présente jamais. Les kms ne défilent plus depuis un bon moment et seules les relances au sommet de chaque difficultés rajoutent quelques mètres au GPS.
Une horreur infinie . Voilà ce qui me reste en tête de cette boucle. Des minutes à ramper, à glisser, les mains sur les cuisses ou à quatre pattes et toujours se redresser pour mieux repartir. Et les efforts payent, je l'ai dit , aujourd'hui , je vole ... et je double le quatrième qui devait être Vimeney avant son abandon.
Malheureusement, cet enchaînement de côtes va avoir des conséquences sur mon stock d'eau. A chaque fin d’ascension, je bois . Cela me fait du bien mais à l'allure ou je progresse, je me retrouve pratiquement à court d'eau alors qu'il reste près de 10 bornes à parcourir. Je vais devoir me rationner et sévèrement. Le doute s'installe rapidement, je peste contre moi même, je suis persuadé que je vais exploser alors qu'objectivement, mon corps fonctionne toujours bien.
Je range finalement tout ça dans un coin de ma tête et continue ,conscient que je ne pourrais de toute façon , rien y changer . Je commence à reconnaître des morceaux de circuits, je sens que la fin est proche et qu'on va finir par quelques kms de plat bien roulant. En haut d'une longue route bitumée, à la faveur d'un regard vers l'arrière je me rends compte que ma place est acquise. Personne en vue, je me relâche, profite des derniers instants, d'une course maitrisée . Un ultime passage en forêt et le gymnase pointe le bout de son nez. Encore 1.5 kms sur herbe tendre et belle route sans feuilles ni pierres, sans branches ni sable. Sur l'instant ... le paradis.
Je me retourne une dernière fois et je remarque une frontale très proche, lancée à bonne vitesse . Un de mes poursuivants fini en trombe. Le bonhomme va m'obliger à lutter jusqu'au bout, mais il me reste un peu de réserve et j'arrive à augmenter mon allure juste ce qu'il faut pour maintenir la distance. J'ai l'impression de sprinter, je n'en suis pas loin, j’atteins les 13 km/h survolté par l'idée de finir 4ème .
Et c'est ravi que je franchis une dernière fois les portes du gymnase en 9h27min54s.
Le troisième vient me féliciter, il est déjà lavé et changé,il finit 26 minutes avant moi à seulement une poignée de secondes du second venue de Bretagne. De son côté Wouter se repose, voilà pratiquement une heure qu'il est au chaud. quoique vu sa tenue de course (short et t-shirt manches courtes), je suis pas sûr qu'il est eu froid ...
Le cinquième arrive peu après et je suis content de reconnaître Ludovic. Les arrivées s'égrèneront ainsi jusqu'à midi .Les finishers seront 157 pour 400 inscrits et un peu moins de partants. L'édition fut difficile.Tous auront droits aux félicitations de la salle et des organisateurs .
Justement, l'organisation, parlons en. Je confirme déjà tout ce que j'ai pu écrire en 2010 : bénévoles courageux et souriants, tracé au top sans hésitations possible, parcours toujours aussi exigeant ... Bref de l'excellent boulot d'autant que sans eux, sans leurs efforts, nous ne pourrions jamais profiter des émotions que peut procurer l'exploit de finir cette épreuve .Merci encore à alternature.
De mon coté, deux jours après, les jambes ne me font plus mal, je reprends l'entraînement demain pour un dernier plaisir en 2012 dont je développerai le sujet ultérieurement. La fierté est toujours bien présente et j'ai du mal à retirer le bonnet orange au logo de l'origole ou la veste de finisher. La coupe chèrement acquise trône fièrement sur mon bureau et risque de s'éterniser quelques temps à mon plus grand bonheur. Bien entendu je reviendrai dans 2 ans pour tenter d'être une quatrième fois finisher. Mais ça ce sera une autre histoire ...
photo du parcours trois jours avant !
Voilà donc les résultats 2012 du grand trail :
première boucle ... ici
deuxième boucle ... ici
et final ... ici
Toutes les photos sont issues de la page facebook de l'origole, elles montrent pour la plupart des parties de l'épreuve ... de jour ! merci donc aux photographes de l'origole et à bubulle !
En prime, quelques autres récits :
celui des coureurs de cotentrail
celui des maratouristes
celui de bruno poulard
et bien sur , ceux de kikourou