20h30 :
"Chérie ? "
"quoi ?"
"j'ai gagné !"
"c'est bien , t'es un champion"
20h45 :
"Chérie ? "
"quoi ?"
"j'ai gagné !"
" tu me l'as déjà dit , c'est bien , bravo"
21h :
"Chérie ? "
"quoi ?"
"j'ai gagné !"
"c'est bon j'ai compris, je vais dormir sur le canapé !"
Voilà comment ma famille accueille un champion à la maison. Une ingratitude indigne de ma performance.
Pourtant, vous savez bien comment je suis : modeste, à faire profil bas . Tout au plus , ai je sonné chez tous mes voisins pour signer quelques autographes sous leurs yeux médusés.
La vieille du 35 a d'ailleurs apprécié ma signature accompagnée d'une petite dédicace : "A Jeanine, avec tout mon amour".
Mais dans ma propre maison , rien. Ils ne me méritent pas. Rien à carrer, je vais partir emménager chez Jeanine. Elle comprend la notion de dépassement, de souffrance , elle. C'est con qu'elle soit vieille. Je fais pas dans les vieilles moi. Je les laisse à Charly, mon copain.
Et puis en plus, Charly mérite cette récompense. Si j'ai gagné aujourd'hui, c'est un peu grâce à lui : grâce à ses conseils avisés et ses offs hors du temps.
Durant sa dernière organisation, on a trouvé un poisson rouge dans la rivière,
un poney égaré dans la forêt et on a perdu , pendant quelques heures, le chien d'un des participants.
Faut avouer que le cleps s'appelait Merlin, et avec ce blaze comment ne pas comprendre ses facultés à disparaître ...
Avec Charly, on sait quand on part, mais on ne sait jamais quand on va rentrer ... alors ça fait vachement bien travailler l'endurance et les jours de course , ça paye.
Alors moi, je voulais bien faire le trail du caillou. Mais le 19 kms, pas plus. C'est trop fatigant après .
Et puis, à force de passer 5 heures à chercher Merlin dans les terrils de Colfontaine, à force de galoper derrière le poney en pleine cambrousse et de tenter de pêcher à mains nues un poisson rouge dopé aux sédiments belges, j'avais acquis une caisse énorme. Bon, accessoirement, j'étais devenu aussi sauvage que Tom Hanks dans seul au monde mais ça empêche pas de courir.
Du coup, j'ai finalement opté pour le 32 bornes.
Ayant participé à la reco de l'épreuve avant la première édition, je connaissais une bonne partie du parcours. Je n'ai donc pas été surpris par le tracé que je savais , en grande partie, roulant . Pour autant, une longue zone offre au coureur un large panel de ce qui se fait de mieux en matière de trail dans le coin : des traversées de rivière, des côtes , du dévers, de la forêt, des arbres couchés à enjamber , de la boue a gogo et une longue portion d'ancienne voie ferrée à remonter (dans son jus : avec ses traverses et ses pierres !).
Côté forme, voilà 2 mois que j'ai enclenché la préparation pour les 210 kms de l'ultrathlétic Ardèche. Ne pouvant plus suivre un programme exclusivement de course à pied (Je suis vieux, j'ai de l'arthrose au pied ), je prépare dorénavant les épreuves avec une prépa triathlon type ironman. Plus facile à encaisser, moins traumatisante, elle me permet de m'entraîner tous les jours et de rendre les séances plus ludiques. Je ne fais toujours pas de fractionnés, je n'utilise toujours pas de cardio et je m'entraîne essentiellement aux sensations. Ce n'est pas académique mais cela me va bien .
En ce 4 février, le départ est donné sous le soleil levant. Les premiers kms hypers roulants sont avalés à grande vitesse et je me retrouve au milieu d'un groupe de 2 autres coureurs. Nous resterons ensemble un bon moment.
le premier, grand et mince, respire déjà de façon anormale et à tendance à faire le yoyo. je l'estime en sur régime et je ne pense pas qu'il pourra tenir toute la course à cette allure.
Le second, plus petit et trapu, me fait forte impression. Ses relances sont acérées, ses appuis solides et il n'hésite pas à prendre des relais en tête de course.
Nous continuons à avancer à belle allure. La traversée de la première rivière (peu profonde et étroite) nettoie la boue accumulée sur nos mollets. A chaque relance , je sens que les jambes répondent bien. j'en suis quelque peu surpris. Depuis mon déménagement à Jeumont (il y a 3 mois) , j'ai modifié mes lieux d'entraînements et je ne cours qu'en forêt hyper boueuse et vallonnée. Je n'ai pas l'occasion de parcourir des zones roulantes ou je pourrais bosser à haute vitesse ...
Arrivé au niveau du caillou qui bique, je n'entends plus les foulées de mes compagnons derrière moi. Le premier a lâché du lest, le second a du s'arrêter refaire ses lacets . Je continue donc à mon allure sans me retourner (c'est un de mes préceptes ).
A noter pour l'orga : placer un panneau au niveau du caillou qui bique pour que les coureurs puissent l'admirer.
Après ce passage vachement sympa et les encouragements des bénévoles (dont je connaissais une bonne partie des membres ), la seconde traversée de rivière se présente. Plus large et plus profonde (eau jusqu'au bassin ) elle anesthésie littéralement les jambes . La côte qui succède ce passage aquatique est , pendant quelques secondes, un véritable calvaire . Puis les sensations reviennent, l'impression d'avoir deux morceaux de bois en lieu et place des membres inférieurs diminue et nous échappons à cette parenthèse glacée pour voler vers la suite du tracé.
La suite s'avèrera plus simple, tout aussi roulante que le début du parcours. Seule une bise gelée me paralyse le visage. Les jambes, elles , tournent toujours.
Je profite d'un virage en épingle pour me rendre compte de mon avance : une centaine de mètre sur mon poursuivant . La course n'est toujours pas gagnée.
Plus les kms défilent et plus je me rapproche de la portion que je déteste le plus : la voie ferrée. Un enfer. Impossible d'enchaîner de longues foulées. La question pour tout coureur est de savoir ou placer ses pieds : sur les traverses en bois (humides et glissantes) ou sur les pierres (inconfortables et fuyantes), au milieu de la voie ou sur un côté afin de partager l'espace avec les ronces ...
La moyenne s'effondre, je m'inquiète pour ma place et je brise mes habitudes en osant un regard vers l'arrière : personne. Course gagnée.
Cela me permet de profiter du dernier km, de frapper la main de Stéphane (l'organisateur) et de franchir la ligne d'arrivée en 2h19 : 13,8 km/h de moyenne. Je n'en reviens toujours pas . Le second arrivera un peu plus tard ayant du s'arrêter une seconde fois pour ses chaussures.
Mon visage est paralysé par le froid. J'ai du mal à articuler. la chaleur de la salle et de vêtements secs me permettront doucement d'arrêter de trembler.
Pour la suite , un beau podium avec une médaille dorée à l'effigie du caillou qui bique, un verre de Champagne, un panier garni de produits du coin (bière, vin de noix, fromage de chèvre, confiture, terrine ) et une paire de chaussures trail de chez décathlon. Parfait.
Côté organisation :
- Sur le 32 kms : un ravito
- Retrait de dossard : le mien avait disparu , j'ai donc hérité d'un nouveau : le 1177. A noter pour l'année prochaine de demander aux bénévoles d'expliquer la fonction de la pochette plastique fournie avec le dossard.
- Cadeau d'inscription : couvre bras running
- balisage : au poil, pas d’hésitations
- parcours : varié et ludique, très agréable. Pas de gros dénivelé mais des bosses bien sympas.
- tarif d'inscription : faible
- point très positif (pour moi) : pas de mélange entre les 22 et 32 kms !!! On sait ou on se trouve (classement) et on a pas besoin de zigzaguer avec d'autres concurrents.
- amélioration à conseiller : placer un panneau de présentation lors du passage près du caillou qui bique. Beaucoup de coureurs ne se sont même pas aperçus qu'ils y passaient à côté.
Côté saison :
La forme est donc là . Je pourrais en profiter mais je ne suis plus adepte des courses chaque weekend.
Pour l'instant, je vais participer au ceventrail au vigan en mars pour découvrir une nouvelle épreuve et me faire plaisir sur un format à dénivelé que je n'apprécie d'habitude guère (62 kms 2500 D+). Pour le reste, on verra au jour le jour . Entre le travail et la famille, j'ai de quoi m'occuper !
Merci à tout le staff de l'épreuve pour cette orga aux petits oignons, pour les photos et les multiples encouragements . Content d'avoir brillé chez vous . Je reviendrai !
résultats ...
ici
parcours :